It's up to you I'm alright - Spirale du temps perdu


Certes, pourquoi ne pas être en permanent conflit avec soi-même ?
Mais certes, et du même coup, pourquoi ne pas cesser de l'être ?
Le conflit intérieur anti-conflit intérieur, ou chercher la manière la plus compliquée (et donc, simpliciste) de se sentir bien au final.

Après avoir vociféré plus haut ma détestation de toute forme de nostalgie, et voulu décréter qu'elle n'était que mensonge, je décidai donc d'accepter mes penchants nostalgiques du moment, et je me lançai au passé simple (chose rare chez moi) dans cette furtive recherche du temps perdu en trois volets sonores.


RTP#1 - je rejouai ma première chanson en anglais, je la réarrangeai et la réécrivis.
Parfaitement inédite puisqu'abandonnée par mon premier groupe, elle contenait tout ce que j'ai mis plus tard dans les chansons que j'écrivis en anglais : des fautes et des approximations d'anglais, des slogans ambigus ("c'est à toi de voir, moi ça va bien, je regarde l'heure") chantés en canon, un sentiment d'abandon enseveli sous des couches d'ironie, un break anti-conformiste brisant le train-train harmonique (du même acabit que ceux qu'on reprocha plus tard à Bolik dans Old wave ou Dead singers, les croyant plaqués après-coup), une légèreté soucieuse et un goût immodéré pour les mélodies entêtantes. Je pris beaucoup de plaisir à me souvenir de tout ça et à le mettre au diapason de mes obsessions du moment, notamment les lignes de basse extravagantes (bon sang que j'aime jouer de la basse), et les chœurs improvisés. Je rajoutai le nouveau slogan ambigu, devise à la Janus : "je devrais revenir dans les années 90 et travailler sur mes compétences sociales". Le résultat bien fragile me toucha à la réécoute, bien au-delà de ces qualités ou de son absence de qualités musicales, et j'eus seulement envie de continuer cette recherche du temps perdu, que, pour ne faire aucun tort aux écrivains moustachus et rendre justice à la portée miniature de celle-ci, je choisis dorénavant de désigner sous l'acronyme RTP.


RTP#2 - je me servis du tout premier instrument qu'il me fut donner de toucher. Cour d'école d'un petite ville (socialiste) de l'Hérault. Prêté par un copain qui ne semble pas voir l'intérêt de ce gadget ridicule, un clavier électronique monophonique de la taille d'une grosse boîte d'allumettes (la pile 9V prenait la moitié de la place). J'essayais en vain d'enregistrer sur le séquenceur (car il dispose d'un séquenceur) les syncopes de Rock it d'Herbie Hancock, un de mes premiers chocs auditifs. J'en retrouvai un aux puces dans les années 1990, et en fit en 2000 la pochette du premier disque du "De Witold Bolik Projekt". Je le sauvai de l'incendie de mon appartement et l'entreposai chez un ami pendant un an. La taille minuscule de l'engin me contraignit à de longues errances dans mes tentatives de prise de son. Je finis par me dire que le plus simple était de profiter des dérapages sonores dans les aigus pour produire grâce au séquenceur une figure rythmique simplissime qui me ferait office de boîte à rythmes. Je voulus jouer amazing grace, tant le bourdon de la première piste me rappelait celui des cornemuses, mais mes doigts me menèrent vite à la mélodie de ce standard de Beck, dont la portée nostalgique se révéla plus grande encore que celle des cornemuses.
Le résultat sonore en était plutôt objectivement laid, mais cela me laissa indifférent. (si ça ne marche pas en "embed", essayez là : http://witoldbolik.bandcamp.com/track/loser-beck )


RTP#3 - Continuant à laisser mes doigts vagabonder dans les quelques millimètres carrés de ce si joli instrument, je réalisai que la meilleure manière de rendre le son si particulier du haut parleur et des vibrations du plastique serait d'utiliser un microphone d'une taille et d'une qualité équivalente : celui de mon téléphone portable. Je me lançai donc dans une interprétation "fleurie" du September Song de Kurt Weill. La première version que j'avais écoutée, celle de Coleman Hawkins, aux rugissements merveilleusement indécents, outranciers, sensuels, avait contribué à bouleverser mon adolescence (laquelle adolescence ne demandait qu'à être bouleversée, il faut bien le dire), et c'est une des mélodies que j'adore, des fois jouer, des fois essayer de jouer.
Si j'essaie ou si je le fais, pour cette version, "c'est à vous d'en juger ; moi, ça va bien. Je regarde l'horloge."

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