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Ahlala, quel ennui ! - Spirale de la résolution honteuse


Ma résolution honteuse de 2016, c'était de terminer les bouquins que j'avais ou allais commencer. J'en ai lu trois.

J'ai lu Les Shadoks en grande pompe, d'une traite la nuit de Noël où ma chérie me l'a offert.
Ça s'est avéré un moyen réjouissant de continuer à ne pas comprendre le monde où nous vivons. Délires logiques absurdes, croyances invérifiées d'où découle fourvoiements collectifs et violence gratuite, coolitude inaccessible des Gibis et bêtise attendrissante des modes de pensée chez les Shadoks, grande rigolade et mentors abscons, recherche désespérée et goguenarde d'oracles et de plombiers, il y a de quoi twister le tragique chez les Shadoks, sans doute ma lecture était celle d'un quadra aussi flippé des attentats qu'en crise soi-même et inquiet ou désabusé de sa propre destinée, bon, en tout cas c'était bien.

J'ai lu Anna Karénine, de Léon Tolstoï. J'ai trouvé ça "génial", s'il m'est permis d'apporter cette pierre à l'édifice de l'analyse littéraire des classiques. Le revirement de Kitty qui se guérit d'un chagrin d'amour en s'occupant de vieux malades un peu chelou, puis tire un trait sur cette période en constatant qu'elle n'est pas faite pour ça, faire le bien d'une manière désintéressée, que ce n'est pas son truc, au moment-même où le récit de cette accession à une quasi-sainteté deviendrait presque ennuyeux, m'a fait beaucoup d'effet. Le récit de l'accouchement vu par Lévine, comme une espèce d'apocalypse personnelle qu'il est seul à vivre au milieu de gens souriants et débonnaires, aussi. La récurrence du mot "effroi" quand les gens tombent amoureux. La calvitie de Vronski et les oreilles du mari d'Anna, ce truc génial qu'elle se dit en descendant du train, alors qu'elle est déjà amoureuse de l'autre espèce de maître-nageur Vronski, le fait que ce qui lui saute aux yeux ce soit la laideur des oreilles de son mari. L'intransigeance absolue d'Anna vis-à-vis de son sentiment : "le respect, c'est ce qu'on a inventé pour cacher la place vide de l'amour". La réaction tellement vraie et cruelle de Vronski face à cette intransigeance : (grosso modo) "Rho, voilà qu'elle en remet des couches avec son "Amour"...". Le délire ferroviaire, le fait que tout commence et tout finit pour Anna dans le train, sous le train, dans les gares. Et l'agréable surprise que m'a fait Stepan : dans les premières pages, devant sa femme qu'il a trompée, qui le sait et qui lui en veut à mort, qui est anéantie, il ne trouve à dire que "Ahlala, quel ennui !". Je me suis dit au départ que c'était parce que c'était un vieux livre, que les écrivains décrivaient les choses comme ça à l'époque. Mais en fait, ce décalage complet de Stépan face au monde qui l'entoure, c'est lui, c'est ce qui le définit. C'est ce qui lui permet de faire la passerelle entre le tragique d'Anna et les mesquineries des milieux qu'il côtoie et qui les jugent. Les raccourcis sublimes qui me semblaient propres au type de narration des séries (par exemple, dans Shameless, premier épisode, la force d'une seule phrase où tient toute une histoire parallèle : "Il croit qu'il est sous exta, mais le seul dealer qui lui fasse crédit est schizophrène"), je les ai retrouvés chez Léon. Des milliers de choses qui font désormais partie de moi après cette lecture, je pourrais écrire un roman là-dessus, mais j'ai bien peur que ce soit déjà fait. La seule chose que je pourrais ajouter est le conseil d'éviter l'édition du Livre de poche, très incomplète, sans aucune traduction ni explication des passages en d'autres langues, sans doute pour économiser le papier, édition qui m'a forcé à rechercher sur internet des explications nécessaires, et qui se paie le culot de dire en postface "vous ne venez pas vraiment de lire Anna Karénine, car une traduction n'est jamais qu'une imitation". Grmrf.

J'ai lu "Découper l'univers", de Christophe Siébert. Enchaînement pas si inopportun, après tout il s'agit aussi du récit de quelqu'un qui à travers conflits, parfois métaphysiques, parfois complètement physiques, crises, heurts avec un monde aussi opaque qu'hostile, tire des brins de sagesse et d'un étrange optimisme nourri dans la noirceur. Pas bon pour s'endormir, mais puissant et direct, porté par un amour de la littérature et des gens qui en rendrait la lecture, oui, presque revigorante. Après en avoir terminé la lecture, je me suis mis à sourire et l'instant d'après à sourire encore plus de l'absurdité de m'être mis à sourire après avoir lu du Christophe Siébert. Bref. A l'exception du manifeste final qui m'a semblé un peu hors de ton par rapport à l'intimisme et aux introspections de ce qui le précède, un peu plus forcé - mais je le relirai, j'ai aimé.

Pas un livre, mais il y a de ça puisque ça veut dire sieste de bibliothèque : j'ai écouté ça et lu les textes que je trouve vachement bien écrits, là encore pas follement optimistes (la chanson la plus marrante est l'identification de la chanteuse à une vieille dame qu'on a retrouvée dans son appartement quelques 8 ans après sa mort) mais musicalement riche et subtil tout en restant hyper énergique et drôle... Sans compter que "Je suis Louise" m'a même donné une leçon d'histoire de France, cf wikipedia. Tout en me faisant remuer les bras sur ce refrain tellement lyrique, seul chez moi comme si j'avais quinze ans, l'âge de déjà trop bien savoir qu'on ne sait pas danser. Transférer quelque peu un bout de crise de la quarantaine en retrouvant foi en la pop à guitares, via des GiBi d'Australie, après être passé par Tolstoï et une forme punk de sagesse, ça me semble un parcours tout à fait shadokesque.



Au fait, j'ai fait un article sur Library Siesta sur ADA, c'est là :

Des bouquins, j'en ai plein que je veux lire, maintenant. Du Malcom Lowry, du Christophe Esnault, du Jacques Séréna, Guerre et paix, du Thomas Vinau que j'ai commandé, du Jim Thompson, l'Exley que j'ai commencé y'a au moins deux ans, "Naïf. Super." dont j'adore le titre et que j'ai commencé aussi... Bon, je fais ici exception à cette règle un peu couarde qui consiste à ne donner ses résolutions qu'après les avoir suivies ; me voilà donc... courageux, wouh !

Je vais peut-être aussi enfin faire la newsletter promise ! Le problème des news, c'est qu'elles changent souvent, mais je vais faire un effort pour les chopper au moment où elles ne seront pas ni trop vieilles ni trop en avance. D'ici avril. Avant avril. A l'horizon d'avril.














Comment j'ai conquis Broadway




SOMMAIRE
 

Acte 1 : PAS GRAND CHOSE

Scène 1 : Ambition
Scène 2 : Choisir
Scène 3 : La rencontre

(récitatif 1 - interlude 1).

Acte 2 : STARMANIE DÉPRESSIVE

Scène 1 : Lamentation
Scène 2 : Mourir
Scène 3 : Le départ

(récitatif 2, interlude 2).

Acte 3 : "ON S'APPELLE WITOLD BOLIK"

Scène 1 : Exaltation
Scène 2 : Trahir
Scène 3 : Le triomphe

(générique). 

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Pascal Comelade - El pianista del Antifaz






J'ai fait la manche une fois à Rennes
Je n'avais pas de quoi me payer mon costume de mariage

Ça s'est arrangé

Voilà toute l'histoire

et après
à une terrasse d'un bar avec mon frère
j'ai trouvé d'une laideur terrifiante
l'espèce d'introduction world music et synthés
Puis ridicules les trémolos grandiloquents du chanteur
d'un disque qui passait
quand les guitares hard rock sont arrivées
je me suis dit que je n'avais jamais rien entendu de pire
et j'ai reconnu Noir Désir
l'intro d'un live

Je vais vous dire que je me suis dit
tout ce que je me dis à présent
en écoutant chez moi
El Pianista del Antifaz, le dernier album de Pascal Comelade

Je me suis dit que je n'aimais pas qu'on tire la manche à mes sentiments
Et qu'un disque vienne et me dise : "allez maintenant tu ressens"
que je n'aimais pas non plus faire la manche aux gens
ni leur dire ou faire sentir "soyez indulgents"

il y avait donc un truc où il était question de manche
voilà
je n'aime pas les effets de manche
je n'aime pas quand la pluie dégouline dans mes manches

Sinon (habile transition)

J'ai connu une Suisse-allemande
C'était une histoire en carton-pâte genre "heu boarf on n'a qu'à essayer
hein
on s'aime pas bien enfin pas de ce genre d'amour mais bon
on n'a que ça à faire on n'a qu'à faire ça"

Ça s'est terminé

Voilà toute l'histoire

je l'ai invitée chez ma maman
elle m'a offert comme cadeau d'anniversaire et remerciement d'accueil et
de rupture et de bien ce que je voulais

mon premier disque de Pascal Comelade

Oh Barbara
C'était un merveilleux cadeau
Hey Barbara, merci pour ça !

Hé Barbara aussi c'était une bonne idée
d'arrêter ça

Je ne savais pas bien quoi ressentir pour toi
Je ne te trouvais même pas très plaisante et tu ne m'aimais pas
Tu parlais assez bien français déjà
Pour m'ennuyer - désolé mais c'est vrai
Je t'ennuyais moi sans avoir pour cela à prononcer
un seul mot
je t'ennuyais d'un regard d'un geste d'une absence
Je t'ennuyais juste de moi et moi je m'ennuyais aussi de toi de moi de tout
Ah, Barbara ! Quel ennui !

Et pourtant écoutant le disque que tu m'as laissé
de Pascal Comelade
j'ai appris
Que mes sentiments
Ou mon absence de sentiments
étaient à moi
pour toujours

J'ai pleuré des fois
J'ai rigolé des fois
j'ai pensé à toi Barbara
j'ai pensé à moi François
j'ai pensé très vite et le reste du temps plutôt à tout ce qui n'était
pas toi tout ce qui n'était pas moi
Parfois je ne ressentais presque rien
et la musique était là comme un ami
qui ne dit rien
qui ne juge pas
qui ne fait pas d'efforts pour ne pas juger
qui ne fait pas d'efforts pour être là et se déployer
ou pas
peut-être parce qu'il s'en fout
peut-être juste parce que pour cet ami la musique
ça suffit d'être là

tout le monde prouve et conteste et démontre et arrache
qui des larmes qui des arguments qui des sourires
La musique de Comelade elle s'amuse d'être soi

Je ne sais pas comment le dire
Sans vous ennuyer plus que je ne le fais déjà


souvent la pop démontre et veut dire et s'applique
et tire la manche
à nos sentiments
à nos idées

La musique de Pascal Comelade n'est pas là pour nous convaincre
La musique de Pascal Comelade n'a rien à prouver
Didier Wampas non plus mais là n'est pas le sujet


J'ai connu une Suisse-allemande que je n'aimais pas éperdument pour une fois
et qui m'a sauvé l'ouïe et l'âme
qui m'a appris à prendre le lyrisme pour ce qu'il est :

(aphorisme en cours)

(aucune idée)

non, vraiment pour ce qu'il est

(je ne sais pas il fallait le mot "lyrisme" là
car la lyre est un beau petit objet
un beau petit jouet
et le lyrisme l'art d'en jouer et de s'en jouer
sans le détruire)



Je viens de comprendre pourquoi
Barbara m'a offert ça
Il y avait le morceau
"I put a Barbara Steele on you"

Et j'ai compris le jeu de mots

aujourd'hui

et aujourd'hui

j'ai ri

cependant que mon nouvel ami se déploie
et déploie "el skatalan logicofobism"
qui y était déjà
différemment
dans trafic d'abstraction

et là
moi
ça m'émeut à mort
et la prochaine fois
je ne sais pas

le temps passe
Pascal Comelade est un artiste
L'eau bout à cent degrés celsius
le lyrisme se balade en débardeur
Le lyrisme a des poils qui sortent
et pas de manches
même quand il fait froid

mais le temps passe, oui, et, oh Barbara
je ne pense pas à toi.

Je n'y arrive pas mais je sais
que ça ne te dérange pas

et je t'envoie
ce sourire

Sinon
Une fois
A Rennes
devant un distributeur dont, en somme, je bloquais l'accès
J'ai fait la manche.

Ça n'a pas duré deux heures et
Je ne courais aucun risque
mais voilà

J'ai fait ça.






http://www.adecouvrirabsolument.com/spip.php?article4964
http://www.because.tv/shop/Pascal-Comelade/el-pianista-del-antifaz



Projet Fuligine - PAEQD

(J'avais écrit un texte mais je trouve cette interface tellement chouette que je préfère laisser comme ça)


Atchoum

Une fois n'est pas coutume, un peu d'oto-rhino-laryngologie et -promotion :

Sous la forme légère, subtile, sensible d'un pop-documentaire (ça existe ?), Alexandre Rochon et Claire Slama nous ont concocté, à nous autres bolik, cette ravissante vidéo. Merci à eux et à tous les participants, à nos amours !