je me réveille avec le torticolis
Il n'a plus sa barbe et me dit :
"Tu fais du mauvais café"
Ce n'est pas mon rôle dans la vie
Ça ne l'est peut-être pas non plus, mais je pensais que nous parlerions musique
Je n'ai peut-être pas de rôle dans la vie, mais je pensais parler musique
Il me répète
Avec l’œil qui pétille presque
avec l'air d'avoir pesé mûrement sa formule
Avec une ironie qu'on ne sait pas sur quoi elle ironise
Avec un sens du slogan qu'on ne sait pas ce qu'il veut dire
dans un français châtié châtré castré constipé où il y a peu de mots
mais où chacun des mots ne cherche que
l'efficacité de l'effet me paumer m'écarter me faire me sentir
pauvre inutile et prêt à tout pour être accepté
prêt à tout acheter les yeux fermés
me torréfier et me percoler
broyer chacun de mes grains et me filtrer pour me boire et m'évacuer
machinalement
publicitairement
tandis que je fabule sur des intentions qui me resteront cachées
sur un sens profond qui me reste tellement caché que si ça se trouve il n'y en a même pas
vous m'entendez n'est-ce pas
il a perdu sa barbe et me dit
"tu ne sais pas faire du bon café"
je décide de rentrer
je me retrouve dans une espèce de cantine supermarché où je fais le joli cœur avec les ouvrières assises à une table
notamment avec une particulièrement disgracieuse
qui a dit quelque chose et à qui je donne une répartie pleine d'humour et d'élégance et sans appel
que j'oublie sur l'instant conscient de mon égarement
je les entends rire c'est bien je suis content mais
je demande quelle rue c'est et comment atteindre le centre
on me parle en code à nouveau
"tu prends le B après le 95-17"
sur le ton de l'évidence et cette fois avec une sûre bienveillance
dans quelle rue sommes-nous au fait
un regard m'apprend son nom à la rue et que
ce n'est pas la bonne ville
ce n'est pas du tout le monde où je m'attendais à me perdre
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