Pourtour du ravin







De quoi vais-je parler aujourd'hui
Ce poème a pour thème
l'auteur cherche à exprimer

si aujourd'hui je fermais ma gueule
pour toutes les occasions perdues de le faire

bientôt mes cris mêmes et mes râles rentreront
dans des cases

rangés par hauteur et par intensité
ils composeront une musique étrange

influencée par et par
produite par et diffusée dans

bientôt la partition de mes sourires silencieux
et de mes sorties loupées

(je ne sais pas claquer une porte
les mouvements de pensées et les communautés et certaines amours
me laissent sur un seuil d'où je regarde
avec un mélange de bienveillance, de curiosité de jalousie et de rage et d'éternelle frustration
avec un mélange fascinant ou pas d'indicibles et de non-dits
avec un mélange de mélanges mélangés
avec une mésange et des anges et des mélanges toujours changés

cela finit toujours pareil
c'est-à-dire que cela ne finit jamais vraiment

méchamment ou gentiment l'autre dit
"tu rentres ou tu sors ?"
effrayé ou effrayé
intimidé ou retimidé
rapidement ou lentement et tout mêlé de mon mélange
je recule d'un pas
et si je tente de refermer la porte
c'est d'une main lâche sur la poignée métaphorique et je
n'entends jamais le déclic de la serrure

je ne sais pas claquer une porte
ni d'ailleurs l'ouvrir avec fracas comme un mari de vaudeville
quand je vois ici
quand je vais voir ailleurs
c'est par l'embrasure
l'embrasure est mon horizon
vertical et limité presque parfaitement contraire à lui-même)

formera une symphonie
posthume et inachevée

belle peut-être qui sait
mais posthume et inachevée
comme l'Homme sans qualités

(étudiant distrait et mollasson
j'ai eu la chance de commencer ce livre
sans savoir que la fin ce serait qu'il n'y en avait pas
mais étudiant distrait et mollasson
quand je l'ai su j'ai cessé de le lire linéairement
et bientôt de le lire tout court)

préfacé par et édité chez
l'ouvrage évoque

j'ai conté dans des veillées
où j'étais seul et personne invité
un long récit d'aventures
où Perceval ne perçait rien du tout
et où le Graal c'était
la crainte du faux pas

la crainte du faux pas et la crainte du pas faux pas
le désir de faux pas
mais chaque ravin que j'approche avec ce
désir craintif de faux pas
se met à mesure que je crois y tomber

à me raconter son histoire

dessiné par
creusé par
durant telle ère et telle ère
je suis un ravin post-moderne
j'ai un côté kitsch amusant
mon vide même est un trompe l'oeil
tu crois que tu tombes en moi

mais tu ne fais que répéter
l'histoire des indécis
l'histoire des distraits et des mollassons
l'histoire des suicidaires velléitaires
l'histoire des kamikazes pour de rire

l'histoire tragique et funeste des "oula moi je m'en mêle pas de ça"
"je fais pas de politique"

l'histoire grotesque et pathétique
l'histoire des beaufs et des rêveurs à la fois
l'histoire des faibles tellement fragile elle-même
qu'en exergue y est écrit "ne pas toucher
même avec les yeux"

tous les slogans sont tronqués
Au fronton de la Rép' de Plat' est inscrit
"N'entre pas ici"
etc - c'est un jeu amusant et là une complète digression

l'histoire de ceux que tu ne crois pas connaître
parce qu'ils sont toi et que comme toi ils baissent la tête quand ils te croisent

l'histoire évasive c'est-à-dire fuyante des savonnettes sur pattes
posthume inachevée
l'histoire de ceux qui ne terminent jamais leurs phrases ni rien ni

tu crois que tu tombes en moi
mais ça n'arrive pas (dit le ravin)

je suis le ravin plat de l'histoire de personne
le clin d'oeil uni-dimensionnel et omnidirectionnel
ou quelque chose comme ça

je te dis tu rentres ou tu sors
tu tombes ou tu sautes
ou tu continues ta balade à mon pourtour (pourtour !) comme si de rien n'était

et vieux ravin je n'entends même pas répondre
si faiblement qu'aucun écho n'en sortira

"je ne sais pas"
"boarf"

vieux ravin plat
du renoncement ou de la
ou de la ou du
ou de ce mouvement de pensée qu'on appelle

vieux ravin post-
vieux ravin néo-

vieil écueil de la vie
et vieux rivage d'inquiètes vacances (quoth le ravin)

je n'entends pas le déclic non plus
il est vrai que je n'ai pas de porte
ni a fortiori de serrure
de gache de machin d'entourloupure de porte
(je suis un ravin rigolo qui emploie des mots sympas
c'est l'air du temps qui a creusé dans mes couches et mes couches et mes couches
le sourire fossilisé de l'éternel second degré)

mais tu pourrais faire un effort (dit le ravin)

(je marchais hier vers l'heure de pointe
et une voiture fasciste publicitaire
neuve avec des slogans écrits en gros dessus
m'a donné envie de crier
de la brûler et de pisser dessus
neuve avec dessus "Français, debout !"
m'a donné envie de m'asseoir ou de m'accroupir ou de m'allonger
pour exprimer mon désaccord
car ce slogan éminemment pervers laissait croire qu'être debout
c'était être hostile et stupide
alors que je marchais
tout sauf la station debout
"citoyens du monde, couchés"
c'était l'heure de pointe et au bout le feu rouge la faisait
tour à tour passer devant ou derrière moi
m'attendre ou me laisser la dépasser de quelques mètres
qu'elle regagnerait dans la minute suivante
tandis que j'accélérais le pas
je me suis dit
"je pourrais leur faire un doigt ?"
(n'est-ce pas bien sûr que je ne l'ai pas fait ? Bien sûr, n'est-ce pas)

no pasaran mais ils sont passés
au feu
j'espère qu'ils partaient loin
mourir

quelle action concrète as-tu contre les voitures violettes du FN

remettre la ponctuation ? alors :

quelle action concrète as-tu contre les voitures violettes du FN ?

heu
je n'ai pas le permis
peut-être que si j'écris des fois
des poèmes un peu meilleurs
parce que celui-ci est un peu long je crois
bon enfin peut-être que si j'écris
je rencontrerai
d'autres énervés aux discours confus
qui ne me détesteront pas encore assez
personnellement
pour m'empêcher
de participer
avec eux à
heu je ne sais pas
au

combat.

(je me souviens en fait de ce comment je me suis rassuré
après la voiture bavante après la limace violette intégrée au trafic
j'ai repensé aux mots de mes amis belges du lycée
"pessimiste mais combattif")

(en fait non c'était avant
après avoir vu ce film)

(et est-ce que ça m'a bien rassuré)


(est-ce que c'est le sujet)












































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