7 - Fournitures

Grumburgurella se coupait la tête. On revenait des vacances et Grumburgerella se coupait la tête pour se rafraîchir les idées parce qu'elle avait essayé tous les autres suicides. "Moi je suis resté dans le canapé", commençait à vouloir raconter Régulon. On lui fit un geste de la main (Amphigouris et ma pomme) pour qu'il se taise. "Tu l'as coupée, bon sang, laisse-la parler.
- Oh, pardon. J'avais fini de toutes façons.
- Moi j'ai changé de nom, ce n'est pas rien, et c'est vers la tête après où que je suis allée pour me la faire couper, et c'était sacrément difficile parce que les guillotines ne courent pas les rues - à croire qu'on n'est pas vraiment en démocratie il faut aller chercher sur internet et se fader toutes les pubs et les propos haineux et puis bravo si on arrive à trouver de l'e-commerce de la haine de soi sans tomber sur des coups tordus, surtaxes, roulettes russes pipées, tee-shirts pas à nos tailles, et d'ailleurs débiles, moyen de paiement louches et guillotines chinoises en plastique. Le monde est bourré d'amateurs qui n'ont pour but que de se piétiner les uns les autres, dans ce domaine comme dans les autres.
- Mais moi, je suis resté dans le canapé, vous voyez bien... Que j'avais raison.
- Moi je suis parti loin et j'ai fait des expériences inoubliables qui ont changé ma vision du monde.
- La haine de soi ne mène qu'à la déception, je pense qu'il faut évoluer à un moment. Quand c'est ta partie au début tu y mets de l'enthousiasme, puis tu te rends compte que bon an mal an tu en as fait le tour et tu veux passer à autre chose. Je ne dis pas Dieu ou le Sport, ça reste assez peu mon style, mais, quoi, autre chose. En restant dans le nihilisme je suis sûr qu'on peut trouver des trucs." Elle lève les yeux au ciel depuis sa tête prédécoupée : "Pas de politique, pitié.
- Et l'auto-dérision, tu as essayé ? Tiens regarde, moi, je t'en fais là : ces vacances je suis resté dans le canapé, hé hé ! C'est pas mal non ?
- L'auto-dérision, c'est quoi ça, de la haine de soi en moins drôle ? Ça ne me dit rien qui vaille, désolée", répond l'exécutive.
"Non, c'est qu'il le fait mal.
- Ah.
- Moi, je suis parti loin. Des expériences inoubliables ont changé ma vision du monde.
- Ah. C'était où ?"
Il se met dans les starting-blocks d'une envolée lyrique.
"C'était dans un pays où les -
Joséphinouille l'interrompt sans parler, de sa présence maximale et soudaine, maximale et soudaine s'il m'est permis d'enfoncer le clou, de semer le doute. Elle fait irruption comme un paysage inattendu. Elle est le détour. Elle tisse, transpire, reflète et transparaît. Joséphinouille la baraque casse.
"Je ne sais plus, ça me reviendra."
Cassées les baraques, et les têtes coupées. Le canapé dedans resté, les pays lointains voyagés. Informulées les inoubliables, lyriques nos envolées. Dieu fait du sport, la plaine ondoie, tout est mixé, tout se mêle dans deux grands yeux qui n'ont rien à dire, Joséphine ne cesse de tisser de longues trames blanches de mariées autonomes, c'est au tout qu'elle s'épouse, c'est le monde qu'elle embrasse et c'est le monde qui n'a rien à dire et n'avait qu'à ne pas commencer dans ses grands perforateurs d'yeux à silencer vaste et muet, dans les grandes mues comme des vagues à s'y lancer, je ne sais pas si vous me suivez, c'est dans un pays où les.
"Je ne sais pas" - tandis que se piétinent les amateurs, chacun et les uns les autres et avec ou sans pronominalité.
"Moi, je suis resté dans le canapé. Et je ne m'en plains pas, ça ne me fait ni chaud ni froid. Et je ne m'en vante pas. Je suis juste resté là. J'ai eu une tache de gras comme aventure. J'ai juste essuyé quand même, mais le gras ça s'incruste alors j'ai laissé. Je n'ai pas de détachant vous savez. Ça ne me dérange pas, juste une petite tache de gras comme ça. Il n'y a pas de quoi en faire un plat. Même, ça ferait, en quelque sorte un peu de contraste dans l'uniforme. Et je n'aime pas le bleu uni du canapé, qui faisait déjà vieux quand on l'a acheté, c'est juste que c'était moins cher et que ça disait "roi". Je suis resté dans le canapé comme le roi d'une tache de gras. Comme un pacha chez moi. C'est pas mal, ça. Hein ? C'est pas mal non ?
- Il faudrait que tu arrêtes de nous demander nos avis, tu sais (je te le dis en tant qu'ami)."diagnostique avec des parenthèses toutes froides, et proprement compassées, ou du moins tracées au trace-lettres, au billographe, l'Amphigouris.

Et là touchante unité à se dire, purée c'est vrai qu'on va tous se les fader, et qu'ils vont tous se fader soi, tant qu'on y est, puisqu'on est là, une éternité de plus comme ça à la va comme je te pousse, en se disant toujours "on n'a rien à faire là" ou "ils n'ont rien à faire là avec moi". Il y a de l'amour, il y a de l'amitié, il y a de l'écriture et du jus d'orange, tout ça ne fait que commencer et je sais pour sûr que ça va bien se passer. Têtes coupées et cholestérol incarné, voyages à jamais inoubliés et pénible retour à la fiction, Joséphinouille à jamais endimanchée, à grands renforts de Tipp-ex immaculée, encore des choses à jamais comme toujours, encore des hommes troncs qui s'essaient à la trottinette, à nouveau à jamais de guillerettes mélodies d'excavation entonnées par de gigantesques bouches séparées du corps, à nouveau et encore à jamais des pirouettes qui tournent en mornes salaisons, des apéritifs dînatoires, des banquets chiches et sans chips qui se rallongent à la durée de nos vies, où ce n'est pas faute d'essayer, où du moins on aura donné, où on peut toujours semer, où rien n'interdit de penser.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire