Et
je pense à présent aux couvre-lits ondulés qu'on voyait partout dans la
vie américaine de "motels minables" qu'on s'était inventée, pas loin du
bidon de médiators émergeant du chaos domestique, dans laquelle le
nouveau punk-modèle, la figure du punk, piochait avec nonchalance
américaine entre deux actes délictueux, dans un style américain
d'auto-destruction cool, comme d'autres égrènent les versets des
vraies bibles américaines de motels minables.
Ces
couvre-lits brodés de vaguelettes symétriques en tissu éponge, j'y
songe. Les mêmes que tout le temps, les cheap et rassurants couvre-lits
ondulants. Motels minables, colonies de vacances, séjours, cliniques,
brodés de "je me souviens" en de gentilles ondulations étales, ricochets
fixés de temps presque passés à s'inventer eux-même. "La musique est un
art confusionnel". "La chanson est un art mineur destiné aux mineures".
"La chanson grise". Et des noms comme des vaguelettes par ordre
d’amerrissage, des cantilènes de noms d'ondulation cheap et rassurante,
des petites choses incidentes, des petites choses par accident, des mots
de petite taille, des mots qui ne passent pas la maille, le frisotis
des couvre-lits, le tamis des chercheurs d'or, les grands tamis qui vous
tapent sur l'épaule magnétique, "la fiente de l'esprit", le tamisé de
tout, et je me relève de ça comme si tiens, j'avais bien mangé, en se
frottant les mains américaines, j'ai fait mon boulot de poète,
débrouillez-vous maintenant.
Quelque chose comme ça. Sauf
que je ne me relève pas plus que je ne me frotte les mains provinciales,
les mains de bordure frontalière, de zone neutre, les mains de
no-mains'land. C'est trop tôt, et ce sera toujours encore trop tôt pour
se frotter les mains. Quelque chose comme ça avec du mais encore,
encore. "Tu crois que tu penses, mais tu ne penses rien". Ce terrible
constat de ma prof d'histoire-géo reste méchamment juste. C'est la
définition de la rêverie. C'est le label de ma vacuité. Mais la mienne.
C'est une force aussi. On ne peut pas piocher d'information ou de
conseil sur la vie, il n'y a pas de consigne ni de règlement intérieur.
Mais c'est joli les vaguelettes que font les coups d'épées dans l'eau.
Alors
on écoute du silence, celui des chasses coincées, des aspirations
voisines, des chamailleries fraternelles, des changements d'opérateurs,
des ventilations d'ordinateurs, de soi-même répétant entre deux
cliquetis de clavier l'expression pourtant rêveuse "des ventilations
d'ordinateurs", on s'écoute penser qu'on pense mais on n'entend rien
parce qu'on ne pense rien, parce qu'il n'y a plus de Canal du Panama et
pas de plectre dans le bidon, et de répéter "parce qu'il n'y a plus de
Canal du Panama et pas de plectre dans le bidon".
Et
si rêver des expressions trompeuses, et si errer d'approximation en
contradiction était ce qu'on avait de mieux à faire, et si le simple
fait de formuler "ventilations d'ordinateurs", "ah, ces ventilations
d'ordinateurs !", "l'autre jour j'ai eu une belle ventilation
d'ordinateur vous savez !", "cette ventilation d'ordinateur me tourne la
tête, elle a quelque chose qui grésille et respire, c'est comme ici mon
propre hôpital, mais je n'en suis pas encore aux premiers soins, je
n'ai jamais été très soigneux, c'est pour ça que les vinyles et leurs
micro-sillons en spirale, bon, je dis ça pour parler vous savez hein" :
une contribution discrète et anonyme au collectif, à la communauté, pas
un mot d'auteur mais quelque chose qui peut faire du bien en
transformant le quotidien de chacun (ces derniers par contre, de mots,
tombent trop vite, on dirait une réclame), sans blague, sérieux, pas
grand-chose certes, et rien d'immédiatement payant, mais pas "rien",
madame la professeure. Ventilation d'ordinateur, putain. On ne parle pas
comme ça, on n'emploie pas ces mots souvent dans cet ordre, quand ça
vient dans cet ordre en général on le corrige et on le rend plus
conforme.
Ah bon ? Si ? On dit souvent ça ? Ça n'a rien
d'extraordinaire ? Ça ne change rien au bruit de fond ? Ça ne fait rêver
personne ? Mmm, c'est ennuyeux ça. Bon, j'y retourne immédiatement
alors. Je pensais aussi au Frschhhh séminal de la machine, mais ça ne
fonctionne pas, c'est juste une torsion exprès qui sent l'auto-parodie,
ce n'est pas une expression "ambient", ce n'est pas quelque chose qui
peut se fondre délicatement dans la massive communauté et l'air de rien
changer la façon de percevoir un quotidien technologique, c'est un clin
d’œil lourdingue entre gens avertis, un truc d'entre-soi tiens.
Ventilation
d'ordinateur, c'est ma proposition. Le rappel aux couvre-lits (mais
rien de militaire ou d'obligatoire hein, plus de l'ordre de la
méditation-souvenir-rêverie comme ça - ah mais enfin bon sang je ne vais
pas passer mon temps à me justifier, laissez-moi faire mon travail) et
la ventilation d'ordinateur. Quelques dérives autour, on reste dans les
spirales, hein.
Voilà. On fait comme on a dit donc hein.
C'était donc le sujet du jour. Et donc bien sûr il s'agit d'écouter les
Talking Heads et son chanteur David Byrne, qui se dit "borderline
Asperger's" (à la limite du syndrôme d'Asperger) dans ses "diaries"
cités dans l'article de Wikipedia en anglais. En anglais dans le texte
parce que pas très sûr de moi aujourd'hui, je ne parle pas aussi bien
l'anglais que dans mes vies de "motels minables" américaines. Et puis le
syndrôme d'Asperger est à prendre avec des pincettes, selon Wikipedia,
et les citations pas toujours vérifiées. Et François Doreau a beau
"heart" à mort Wikipedia, selon Wikipedia, il arrive que Wikipedia aussi
se trompe, et le monde n'est pas peuplé que de gens sincères et justes
ne parlant que de ce qu'ils savent, connaissent et ont éprouvé, et qu'il
m'arrive d'en faire partie de ce monde, et que je me trompe aussi, et
que des fois je fais exprès, des contorsions auto-parodiques
d'auto-destruction cool, et que je me trompe aussi parfois même sur ce
sur quoi je me trompe, et que peut-être bien même selon Wikipedia
certains supposent que la vie est un canular et qu'il ne s'agirait que
d'en rire, même si mon rire d'aujourd'hui, qui se confond avec la
ventilation d'ordinateur, peut sembler très triste parfois, et que ce
parfois d'aujourd'hui qui n'est pas deux mille douze, tout de même, ce
n'est pas rien...
En somme, les couvre-lits, les motels
minables, la ventilation d'ordinateur, le rire triste,et ,au hasard,
David Byrne, les chasses coincées, non, non... Quand même, à mon avis...
Ce n'est pas exactement rien.
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