Autre 5 - Aventures



Ou bien c'était le 5. Muni d'un magnétophone mono au micro intégré, nous avions brassé l'air et les portes grinçantes avec l'Amphigore dont personne jamais ne se rappelait le nom. "Je suis né avec une faute de frappe", avec bien trop de pur esprit grinçait-il dans le souffle de la bande. "Bien vu, bien senti, je te pique tout je fais des livres et je deviens riche. Intérieur nuit, blabla, the end." Et comme j'étais au fond de moi hyper-médiatisé : "Cela m'a été inspiré par les collines arides. Quand j'ai fait cela je ne croyais pas. Il était hors de question, vous n'y pensez pas. Et comme souvent les miracles, comme des hasards, des comètes, je ne sais pas si je me fais bien comprendre, savez-vous." Ce qui est arrivé c'est que comme souvent les comètes ne tombent pas exactement ici et rarement maintenant. Ce qui est arrivé c'est qu'essayant je commentais déjà des gamètes qui n'y étaient pas. J'étais très dans la grandeur des défaites avant d'essayer. Puis j'étais très dans le "depuis je me suis amélioré, regarde". J'étais plus dans le comment que le quoi, dans le pas de quoi que le merci. Et je reprenais un par un mes personnages. Puis très entre le "depuis" et le "regarde". En quelque sorte devenu humble dans l'inacceptation de soi. Ou en quelque sorte toute autre sorte de chose, moi vous savez je n'y tiens pas.

Joséphinouille était l'expression du désir et sa souffrance de compression de comprimés de rétention de cloître et corsets baldaquins voile moustiquaire tendu entre ses yeux tendus comme des aiguilles vers le câlin et l'abolition de soi si vous me le permettez et puis le monde d'érections sceptiques de pénis existentiels, de langues indécises à tomber des museaux - Régulon l'embonpoint d'auto-insuffisances qui couinent et se ramassent, le repli débonnaire, l'abandon lourd, les bourrelets amers mais le fair-play même, le sens des convenances et l'intelligence des gens, le regard paisible à lunettes, tout bonhomme avec de la bave et du sucre, il attire une tendresse qui s'agace d'elle-même, on n'en voit pas le bout il faut qu'il lui arrive quelque chose ou qu'on s'en aille - et autres fines notations psychologiques des collines arides, voyez-vous les comètes - le pendant gothique Marcelle Benigna à une lettre ou deux près - ce sont des êtres en formation nés avec des fautes de frappe de collines arides - le pendant les scarifications les citernes piercées, les fers et les sangs, les cathédrales toutes noires et les piqûres expressionnistes, les cris sauvages et l'indicible au burin - l'Amphigouris auto-clepsydre, mangeant la psyché par les racines grecques et tout d'esprit mais alors super-intelligent qu'on ne peut pas dire à quel point tellement - et donc soi-même, né du bout des lèvres et pas trop sûr d'exister mais qui ne demande qu'à se faire démontrer l'un ou l'autre, démonter par des cons arrogants, démenti par des individus de masses qui n'ont pas des masses le temps, intégrant sa désertion au point de n'être plus là pour lui, je ne sais pas si vous en avez entendu parler moi on ne m'en n'a rien dit.

Ils ont tissé puis en voilà deux qui grincent ensemble muni d'un magnétophone mono à travers son micro intégré. Capturons le grincement des vieilles portes ouvertes qu'on enfonce, c'est l'optimisme du roman et cela m'est venu des collines arides, les comètes sus-dites. Et c'est un quatre ou cinq et c'est du mois d'août. Il y avait aussi le son de la cafetière dont la résistance a depuis cédé. Un bouillonnement semé de crachotements de gargouillements entartrés, un son tout de spasmes et sporadique que j'aimais. On faisait des cassettes qu'on dupliquait chacun pour soi et que personne n'écoutait. Et qu'on ne faisait écouter à personne. Et qu'on était à peine curieux de trop réécouter. Et qui de mono abimées se défilaient ou comme des super 8 au son semblaient flamber d'usure du temps passé. On faisait des bandes vouées à l'auto-destruction. On faisait des palimpsestes de sois, où repissaient d'autres bouts d'autres sois. On faisait des cassettes. On ferait des livres avec ça, avec comme perspective l'angoisse qu'à parler il finisse par se dire des choses qui parfois pourraient filtrer et se laisser entendre, et l'autre angoisse que ce ne soit jamais le cas, aucune chose et de personne, et aussi l'angoisse que ce qui filtre soit exactement le contraire de ce qu'on voulait dire, et aussi l'angoisse que ce qui filtre soit exactement ce qu'on voulait dire et que ça nous fasse détester des seuls desquels on aurait pu espérer un peu d'amour sous la forme édulcorée, diluée, convenable, digeste, insipide, mettons, de l'expression compassée d'une lointaine affinité d'écrans, d'un "j'apprécie" pointu ponctuel et presqu'anonyme, toutes ces angoisses et le contentement qu'à tout prendre ou tout laisser passer, on se serait bien amusé, presque le travail bien fait. Voire épisodiquement d'avoir touché juste, on ne sait quoi, on ne sait qui, mais juste, et d'avoir touché.

Et donc, au milieu de douze manifestes contradictoires, il arriva quelque chose.

Quelque chose de terrible. Et d'un peu sexy aussi. J'étais sur mon vélo, je n'avais pas vu le temps passer, il s'est mis à pleuvoir et l'eau à tomber. Il s'est mis à pleuvoir et l'eau à tomber. Mon téléphone dans la mallette s'est inondé aussi. Je roulais il pleuvait et j'étais payé. Le courrier aussi avec mon téléphone dans la mallette laissé ouverte. Je me disais que ce n'était pas possible et que c'était de sa faute. Je me disais que je ne pouvais pas me dire cela et que c'était de ma faute. Mon téléphone était foutu, la pluie tombait et j'ai eu le pressentiment, comme le pressentiment que je renoncerais. Que comme dans les guerres cette colère n'aurait à la longue plus ni fin ni cause. Que comme dans l'amour et comme dans les cassettes, et comme dans tout l'amour qu'il y avait dans ces cassettes pour personne et ces mallettes pleines d'eau, comme dans moi plein d'eau sur mon vélo, il n'y aurait bientôt plus fin ni cause, il ne pourrait alors rien se passer qu'à la surface de ma peau. Je pédalai alors plus vite. Mon visage mouillé, ma mallette ouverte et j'étais payé. L'émolument. C'est ce mot qui m'est arrivé. Un terrible émolument secouant toutes mes fibres. "Émolument", marmonnai-je dans mes lèvres mouillées. "Émolument", reniflai-je dans mon nez mouillé. Perception sublime du cycle du temps sur mon deux-roues rayonnant sous la battante pluie d'eau. La pluie battante d'eau englobante, se confondre à tout, pleuvoir ensemble, et se mêler à l'odeur humide des gouttes dans la promesse de l'émouvant émolument.

Non, je plaisante - ce n'est pas ça du tout.

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