2 - Interlude méthodologique



Effiloché, effiloché, disparate et comme la mer étale, autres synonymes, qu'est-ce qui ne l'est pas, pas synonyme, disparate étale effiloché décousu, tout de bribes fait, qu'est-ce qui quoi ne l'est pas - me demandais-je et sur un autre ton toujours. Considérons le bonhomme qui n'achète plus de disques et dont la crainte irrationnelle de toute confrontation rive à son écran l'esthétique émotion, rive toutes les tangentes à son écran d'emprunt (quand on m'a volé le mien, Thomas m'a prêté pour la deuxième fois le sien, j'en achèterai un, j'en achèterai un, je mets tout l'argent que je ne dépense pas pour les disques dans les dérivatifs mélodicas calmants, et le tabac comme espèce de nocive essence, non, dans l'écran Thomas promis dans l'écran), que disparate et décousu, le bonhomme, et que lâche est sa trame comme sa prose et ses spirales.




Disquaires (indépendants), associations (culturelles), semblables (et mes frères), punk-rock-érudits, irrationnelle de toute confrontation la crainte, tamisée tempérée mitigée par la vie, l'autre jour j'ai parlé un quart d'heure au marchand de tacos, je lui ai même raconté que j'ai eu travaillé dans la restauration, et que non, oh moi vous savez toute confrontation, non je n'ai pas dit ça, juste que je cherchais, oui je cherche un peu, si beaucoup, un travail un métier un gagne-pain, je voudrais bien d'écrire mais je ne sais pas bien, je voudrais bien d'écrire mais je ne sais pas bien, l'impact de ces phrases maladroites et tombées du camion ciel, c'est de ça que je voudrais faire mon gagne-pain bien sûr, et j'inscrirai en haut de mon CV "ma crainte irrationnelle de toute confrontation et mon expérience catastrophique dans la restauration font que je voudrais bien d'écrire mais je ne sais pas bien"... 

C'était étonnant, en sortant du tacostore, de se sentir autant wanker absolu et socialement léger enfin d'exister - quoi, il aurait fallu l'actualité tendue les voitures brûlées la cocaïne les hélicoptères les violences policières la mort brutale la mort sociale le grand mutisme et la crainte partagée de toute confrontation qui aboutit aux drames et à la violence pour que je me mette à parler, parler au gardien de tacostore et parler de ce que je croyais penser, le type qui n'a pas vraiment réussi et sort à peine heureusement d'une tendance à tout mettre sur le dos des autres (institutions) diverses, (méchants) humains, (air du) temps, (que sais-je) encore. Le bonhomme, moi. 

Mais victime d'une damnation comme tous ces personnages mythologiques tu sais, condamné à parler à présent, à ce temps présent qui soit-disant lui en aurait tant fait d'avance, allez. Le bonhomme. Je m'égare, c'est plus ou moins volontaire. J'ai un propos en fait. Je l'ai mon angle : disparate et nourri d'une crainte irrationnelle de toute confrontation, wanker par anglicisme prude, depuis longtemps en suspension ("en suspension comme la poussière du même nom"), anachronique, statique, étale, immobile dans le temps comme un continuum de Ligeti, j'y corresponds à ce temps. Je chronique des youtube en changeant d'avis tout le temps. Quand Auguri a cessé de me parler, et les chansons méticuleuses, arrangées, astucieuses avec lui, Youtube ma nouvelle idole s'est mis à l'unisson cacophonique de ma vie fragmentée pour chanter les mp3 compressés de ma vie approximative, d'hier quand je n'y étais pas, de n'importe quand ni d'où. Ça existe et il n'y a pas que moi. L'unité dans la dissolution, la vaine gratuité et les arlequinades du théâtre internautique, et pourtant les émotions le sens qui perdurent en cela, en petits bouts de vastes étendues aquatiques inconnues où l'on trempe des orteils comme en baptême rédemption de minuscules bouts de soi. 



Peut-être l'humilité ou la désintégration. "I believe" doit être ma chanson préférée des Buzzcocks, l'extrême sensibilité lyrique absurde, la sincérité la rigueur et l'énergie, et dans le livret de Product je tombais sur une phrase comme quoi cette époque c'est les chansons de la désintégration de l'égo, les plus nihilistes sur le livret (ce qu'il y avait d'écrit dessus quand il y avait des disques) - et mes préférées. L'humiliation doit pouvoir être le chemin le plus hasardeux, le plus long et le plus imbécile vers une certaine humilité, mais parfois on n'a pas le choix en matière de chemins et ce serait le mien, celui du bonhomme. L'humilité via la désintégration. Blogger, wanker, fragmentiste pixelloser et par défaut (de tout) désagréablement de son temps, c'est-à-dire pas très au courant et maudit du verbiage avec l'espoir d'étincelles sans garantie. Avec des fautes de frappe et des sauts dans les dates. Dans l'ascèse conformiste de la confrontation peureuse derrière son écran. Ne demandant qu'à vibrer mais n'y arrivant pas tout le temps. Et monodique stéréomaniaque. Cherchant la vaste litanie dans les miettes des tacos et du temps. L'élan. En suspension cherchant l'élan, et comme les feuilles incrédules à l'automne. Ah je ne sais pas comment le dire. 

Je ne suis pas le seul. Pas tant que ça. 


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