5 et/ou n+1 - Souvenirs - vibrisses - phrase

J'avais envie de ne pas rester là et/ou d'écrire une jolie chanson. D'être il y a longtemps, quand plein de foi yeux brillants et calvaires quotidiens des seuls dires bonjour ou quoi que ce soit, montrer sa bouille dehors calvaire, et d'y écrire, dans l'il y a longtemps, de jolies chansons. Puis les montrer et les soumettre à l'allégeance de mes pairs arrogants, du même sang d'arrogance, des même délits dérives, rêves et lits, des mêmes trucs impossibles et heures indues, et de la même arrogance et du même refus. Je me demandais ce qu'il était advenu de ce qui me poussait en avant, dans ce vide où j'étais à force de m'être en avant poussé, je me demandais quoi. J'en étais là et de souvenirs me narguait la Joséphine, de souvenirs déjà, ce qu'il en était advenu de ça, des mots comme c'est un temps difficile à mains nues contre le temps mauvais perdant, je pensais à Joséphinouille Tarandox, petite envie dont je m'étais affublé et alors, la question c'était quand on tissait que brisions-nous déjà, qu'en étions-nous déjà à briser quand on croyait ne faire que tisser doucement des voiles sur place à emporter, à quelle sauce on se mangeait déjà et pourquoi ce lointain déjà baignait d'une anachronie spécieuse, baignait d'anachronie spécieuse s'il vous plaît, nos souvenirs à moi. Nos souvenirs à moi s'il vous plaît, voilà ce qu'on tissait et je crois bien qu'il ne reste personne pour en parler. C'est une question de temps et de personne, et quand on enlève le temps il ne reste personne, comme les oiseaux l'air, c'est une référence inadmissible, certaines peintures ont des repentirs et par dessus poussés en avant, des remords aux longues dents qui s'échinent aux calembours de mauvais goût pour ne pas voir ce qu'il en est, la conjoncture vous comprenez, et le temps toujours difficile vous saisissez.

Je me suis dit que tout cela dépassait mon entendement, et qu'après Van Damme je ne retrouverai pas non plus la citation de Roland Barthes, selon laquelle l'écrivain est quelqu'un à qui le langage pose problème, et que je me demandais qui de Van Damme ou Roland Barthes me porterait préjudice en matière de ringardise et de para-décalage, parce que décalé c'est bien, c'est dedans, c'est sympathique, c'est Canal+, mais para-décalé c'est se retrouver finalement sur les rails mais pas dans le bon sens, comme le bonhomme ficelé là, sur les rails en attendant le train, mort horrible mais brève si les horaires sont respectés, comment en étions-nous arrivés là, sans nous vraiment, comment étions nous arrivés un seul, si seul, et je me sentais plus plaintif que proprement malheureux, j'aimais le son de cette plainte, j'en avais besoin de ce jeu de mélancolie, de ce souffle joli, et je me disais que tout le reste ressemblant à du charabia il y aurait toujours moyen de condenser en une chanson incompréhensible avec l'alexandrin : Que brûlions-nous déjà quand on tissait, mais ce n'est pas un alexandrin, c'est que le temps de le dire j'avais oublié, à tout prendre c'est bien aussi, rompre la symétrie, j'avais une chanson de phrase, j'allais la faire jouer dans de nouveaux yeux brillants avides de mensonges et de détours, aussi impliqué politiquement qu'un cheval dans une cave à fromages, et comment est-il descendu là, il faut bien qu'on achève des chansons, des canassons de secours, des petits bouts de bois tout autant dérivant que l'eau qui les porte en avant vers la chute mais auxquels on a besoin de s'accrocher (voilà ce que sont les chansons, comme dans l'interview de Leonard Cohen parue dans les Inrockuptibles, Damme Barthes Cohen et les livres s'entre-dévorant comme dans Gombrowicz, encore un peu de name dropping goutte-à-goutte de sang d'autres détourné de ses viscères, sur des rails en toute prévisible et fatale perpendicularité) - ce que je pouvais de plus décousu vraisemblablement, de moins cousu mais toujours de fil blanc.

Si je n'avais pas de quoi faire une chanson avec ça. Je me volais des conversations d'amis, des sentiments d'autres, des phrases éprouvées dans d'autres langages, je n'aimerais pas ce que je serai devenu si j'avais gagné. Si d'aventure je m'étais mêlé de jouer sur le même plan et selon les mêmes règles. Perdant du temps passé à me battre à la périphérie du théâtre des vraies batailles, à la périphérie des quartiers de ma tête. Perdant depuis longtemps. Acquéreur depuis peu d'une dignité là-dedans,  je connais mes défaites sur le bout des doigts, j'ai appris à ne pas me battre quand j'étais battu, ça a été long, je croyais vraiment qu'il suffisait d'agiter les bras contre l'hostile et que ce vilain matou déguerpirait du toit.  Il m'observait gémir, il me regardait m'indigner, il s'amusait de me voir rentrer en résistance, et quand à un moment je reprenais mon souffle, il bougeait vaguement un peu de sa gueule, amorçait une danse de vibrisses, un prémisse à peine perceptible de réaction qui me terrifiait, moi le long miaulement plaintif, et je m'enfuyais tandis qu'il piquait paisible un roupillon, en attendant de me voir revenir avec de nouvelles explications, de nouveaux violons, de nouvelles protestations à coulisses, un nouveau divertissement pour l'hostile j'étais. Je sais que je ne fais pas le poids maintenant et je ne me plains plus que pour moi, que pour entendre si je peux monter plus aigu, si j'ai le souffle continu et l'oreille absolue, et confondre ma voix avec celle du vent dans les arbres auxquels je ne monte plus. Je me suis domestiqué.

Mes entrailles ne produisaient plus à présent qu'un ronron déchirant de plaisir mou. Si d'aventure elles voulaient gémir à nouveau mes entrailles, elles le faisaient selon le solfège du chat bien éduqué, crin-crin stupide téléphoné d'une douleur tiède et modérée. Quelques maladresses de style me faisaient paraître un gémisseur bien médiocre, mais dans le fond je savais que c'était précisément ces maladresses qui sauvaient et constituaient mon style. Tout ce que je ne contrôlais pas dans tout ce que bon an mal... Tout ce que bon an mal ans quand on tissait nous décousions. Dans le fond, je le savais - dans le fond, je n'y étais pas encore quand j'y serais jamais.

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