n-3 - Archive - gaspillation - albumine



Ils étaient clairs, ils étaient aigus, ils avaient du jour et donnaient plein sud, leurs franges aux yeux laissaient passer les courants d'air, les orges et les blés, la trompette même, l'écarquillement chromatique du cristallin carillon, il y avait de tout cela et les couleurs et la virginité, une crâne petite rivière revêche se déhanchait en tirant sa langue aux terres falotes, pataudes, il y avait de ça, des éclats pailletés d'oscillante adolescence, de fluides secousses aux goûts mélangés, des doigts se déchirant comme abrasifs aux lèvres, des caresses en forme de morsures en forme de temps, temps concentré jeté par les fenêtres, temps heureusement perdu, du temps pour personne et scintillant sur tous, il y avait de ça, du reflet rebondi de miroir optimiste, de leur propre image scintillant sur soi, des mots inusités, une invention secrète d'instants sonnants et trébuchants, une affaire de secondes, il y avait de cela, une dilapidation d'instants sans prix, un tir à blanc permanent d'instants prégnants, enceints, de la fécondité gratuite et sans suite, de la gaspillation de sérieux, du gâchis éhonté de destins ergonomiques, du hors-pistes et des chants à mille voix, il y avait de tout cela, un mitraillage à tout crin d'énigmes, de devinettes indécelables, d'irrécupérables élans, c'est de tout cela qu'il y avait jusqu'à ce qu'ils tombent comme des dents cariées, tous en même temps, avec la douleur nerveuse et comme s'il ne s'était rien passé, aucune preuve, aucune marque, des archivistes minables se serrant les coudes auprès du même vieux microscope à la lentille cornée, rien, peut-être demain, peut-être rien demain non plus, peut-être après-demain, mais jamais rien, c'était une affaire de secondes qui s'est étirée en longueur, maudites archives, les compulsifs de la généalogie, le temps est une si longue attente molle que trouver même déçoit - ce sont les archives qui nous trouvent, las, c'est donc qu'on n'avait rien de mieux à faire que ça, nous chercher, nous trouver là, ligne sèche et froide entre un amas d'autres, et pas plus signifiante, reflet terni de vieilles billes miroirs que personne ne lance plus sous aucun préau, à chercher, puis trouver, puis ne plus pouvoir refaire, puis ne plus rien savoir défaire et ne rien faire.

"Mais encore" - "deux poids morts en une phrase, tu vois" - "on devrait aller là-bas" - "je ne veux plus chercher, je ne veux plus trouver ou perdre" - "tu ne sais pas à quel point je me fiche de tout ça" - "mais encore".
La rivière s'insinue dans un tunnel d'où elle ne ressortira pas. Les fameux instants sous-louent. Le ciel ne veut pas. Les oiseaux dédaignent. Il note des rêves et classe des archives. Règne du tout-à-l'égout. Rendement des incinérateurs. Tout est calme. Ronces mollassonnes du renoncement. Mineur, modeste, l'accord plat plaqué sonore. Minime tension résolue d'elle-même. Fugue avortée d'une note avec elle-même : elle a accumulé retards, intentions, déroulements complexes et pauses stratégiques pour finalement sonner ainsi, creuse, en une seule fois l'accord plat plaqué sonore. Elle sonne sourde comme son début et sa fin, elle ne respire pas, ne prétend plus ouvrir ou gémir ou rire. Elle est écrite comme ça, faite pour être conçue, pensée, et pas jouée ni rêvée. Parfaitement anodine, elle se glisse partout de n'aller nulle part. Cours d'eau dérisoire, s'en allant nourrir les terres en mutisme buté. Plus aucun cours, plus aucune eau, des terres butées qui boivent sans soif. Des éponges blasées de trop d'usages. Des terres racornies donnant du vert uniforme. Les eaux n'ont plus cours et les mots inusités. "On devient patient, à force." -  "c'est à cause du temps." - "c'est une évidence, non ?" - "comme le clavier, bien tempéré".

C'était une affaire de secondes, un négoce absurde avec le temps, un défi dont on serait l'éternel perdant. Un si-c'était-à-refaire à l'envers. Un contrat qui commence par la signature avec le sang sur une feuille blanche. Tout d'antidaté, rien d'inscrit. Un rêve en quête de son rêveur inconscient. Parfaitement gratuit comme un accord plaqué. "Mais encore". "Deux points morts".


Trois.

Mille. Neuf cent.

Soixante. Dix. Huit, poids et points morts et noirs. Acculés, bondant un tuyau d'orgue au souffle difficile. Asthme d'affres, engorgement dedans soi, et les choses qui ne viennent pas, le traiteur à pas d'heures, nœuds noirs, morsures, fêlures entassées, petites vies mitées toutes pailletées de taches points poids morts noirs incrustées, grêlons constellant des maculés-déception au tout-venant, le traiteur à pas d'heures, elle s'est fait palper les seins, eh toi comment vas-tu, alors, mais alors.

Je ne sais pas, je suis dessus, on ne peut pas dire que j'y travaille mais j'y suis toujours, ça avance, ça valse en avalant des kilomètres de fourmi, ça atermoie en se donnant des chances, ça tricote sur les rues, ça s'emmêle les jargons, ça empire avec des hics et des hoquets, un seul accord plaqué à contretemps, à contretemps dans l'absolu, à contretemps de tout, doucement du bout des doigts, des traits, quand le cycle s'assèche et revient à zéro d'autres rivières relaient et d'autres villes s'ouvrent, mais alors on ne sait jamais, on ne serait jamais là pour ce qu'on croit, on ne serait que là pour ce qu'on voit se dérouler comme ça, le caquet rabattu, la tôle ondulée, les œufs au plat, les jaunes éclatés bavant sur les rebords de l'assiette, des pluriels débordants, œufs traits points poids éclats de coquille à la récupération tendue, s'enveloppant d'albumine, glissants, hermétisés, comme soi hors de cocons défaits, de jargons chevauchés, d'illusions rayées, à la récupération ratée, ça pousse d'en-dessous jusqu'à ce que, on ne sait plus, éclats coquilles poids et points et traits chromatiques cabossés, grêlons frelons jaunes et noirs sur tôle cabossée, valse fin de cycles voilés, bouts de cercles parfaits, impasses détournées, ronds et rounds, matches allumés, jeux resserrés en tuyau engorgé, casse-têtes, mais alors, deux points de c'est-à-dire, traits ponctués constellés de tous côtés, alors j'ai glissé dans mon albumine, alors de mes effractions qui ne m'avaient pas ouvert, j'ai fait ce que j'ai pu pour m'en défaire, je décompose des passés, je fais du compost moderne de passés répétés, avec l'air de rien d'un art consommé, en bout de cycle je recycle, avec des vieux airs de temps valsés, valdingués, je bringuebale des existences à nommer, incrédules et prêtes à faire le saut, comme les feuilles de traits d'automne constellant le ron-ron au dos servile des saisons, les saisons domestiques  feulant pour des caresses et des pâtées métaphoriques, coquille brisée, trace perdue d'un tout pluriel, je me fais danser des valses en albumine, et je m'abîme, et en quelque trait d'automnes incongrus, je me délasse de moi, je m'en comme divertis, c'est pour ça que je suis là, c'est pour ça que je suis là.

Elle ne le suit plus déjà, elle n'en est que moins là, mais alors encore là. Et les folklores, et les croyances, attendent encore, mais encore alors, et les automnes reptiliens sous-jacents jonchent par tous les biais, et la fleur décolorée hisse des pétales fatigués vers des soleils jurés-crachés.

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