n-2 - Fil - affres - éclairs


Zéro. Mille. Quatre-cent. Vingt, sept. Mille années s'étaient écoulées, la parque saoule aux tissus lâches, le regard en coin, la merveille gratifiante décalée, les promesses oubliées, jamais faites et au présent tenues, un vrillant étau d'optimisme incongru faisait flotter les têtes, les perspectives liquéfiées et la revanche crâne sur tout, dès l'instant, les lèvres brûlaient piquaient des fois comme la vie était un baiser, dans l'acte, dès l'instant, le vouloir rêvait, les pouvoirs tombaient, les caresses vagabondes erraient en tout et aucun sens encore, le soleil grinçant, l'amas, et toutes les choses encore.

Contenue toute dans un fil d'eau vibrant, de la grâce arrosait la cuvée du monde. Une foule de signifiants penchait, tendait au silence aimable des grands moments. Quand rien n'arriva ils étaient encore tous là, frottés les uns aux autres comme des empreintes, comme chacun l'empreinte de l'autre et qui ne se savait pas.

Penchait, tendait, dansait l'ensemble d'empreintes nues. Et dès l'instant nous savions que nous avions usé de ce temps, nous empreintes d'autres, ombres d'inconnus et leur hasard continu, nous hasards d'autres, ensemble dès l'instant pour la première fois.

Au bout d'un moment tout revient blanc, tout redevient. "Nous hasards d'autres unifiés chacun dans l'imperméable sous des pluies tu sais, petite envie" - "l'ivresse du nous n'est pas étanche" - "je ne sais plus vers quoi vibrer, c'est le sol qui me remue" - "on se fascine à se voir ainsi diminuer joli les uns les autres" - "bientôt tout sera mignon" - "les grondantes menaces et le cri des guerres" - "la brutale éructation des mondes sous drogues" - "les lendemains rêches, les protestations de bonne foi" - "la détresse ahurie de la ville" - "les images flétries de fleurs" - "tout sera mignon" - "c'est de ce sens que la fin a soif" - "c'est ainsi qu'on diminuera, c'est là le point".

Et dès l'instant les cœurs s'arrachent une légèreté volée aux vents, les cœurs s'arrachent parmi les clients, les usagers se lâchent, la vie frémit sur place, et dès l'instant les cœurs s'arrachent comme des petits pains volés au vent, au petit bonheur la chance les cœurs s'arrachent, et des écueils et des récifs, contre les reliefs déchirés des rochers, déchirés des rochers, et les écumes bavent, trampolinent à l'envers comme des gymnastes d'éclairs, comme des éclairs volés au vent s'arrachent les cœurs tombés du camion des mers, jetés par la mer comme des déchets, combustibles, comestibles, expédients, excréments, comme une longue langue de mer venant lécher la rive, les cœurs s'arrachent comme des mensonges aux petits matins, comme des vêtements sédiments, comme des pickles encore acides encore pimpants, clinquants, toutes les apocalypses minauderont mignonnes et nos grands yeux curieux sous la coulée de lave, sous le tragique des autres, réduits à de minuscules poussières mignonnes et négligeables, hasards des autres, petits toons dessinés à la hâte, réduits désossés précipités avalés d'un seul trait, nous serons encore mignons à nous demander à quelle place à quelle page sur quelle plage on pourrait nous trouver, plus tard, d'autres, dans quel répertoire subsister, de quelle mémoire perdue s'exhaler, d'où et de qui être alors un souvenir, nous, hasards d'autres. La mort mignonne se passera une main dans les cheveux et nous le reste de nos vies à trouver ça terrible et fascinant. Nous rejouerons chaque piste, chaque voix cent fois de la symphonie du geste. Et le vertige sensuel fera tourner l'éternité roue libre, pousser de nouvelles mains nues sur toute chevelure. Nous serons fondus sous la lave en terrasse à regarder couler le temps. Nous ne manquerons pas les feuilles volantes glissées dans la boîte. Nous serons mignons, petite envie, anodins sortis du lot commun le temps d'éclairs volés au vent. Enfants fuyants sous le préau du nous, de l'âge du fond des verres, incrédules et prêts à faire le saut. Cache-cache d'aucun temps à soi-même.

Toute contenue dans un fil d'eau vibrant, têtue, sinueuse, capiteuse, petite envie se dégage de mon étreinte sous prétexte d'ennui. Il pleut des cordes. "Ah, les jolies affres". Elle parle aussi en minuscules, n'est toujours déjà plus là. Et nous le reste de nos vies. C'est un fondu permanent, entortillement confus de vagues indistinctes. Comme les cœurs s'arrachent et les noyaux se défont et comme tout est mignon, encore. Comme la respiration fébrile d'avant chanter, vaille que vaille, l'air envahi d’appoggiatures, l'air tout enluminé. Les petites flammes ondulantes, frottées l'une à l'autre, la sororité du salut, la mignonne miséricorde en mouvement, charme d'encens, fraîcheurs d'églises, aumône des cœurs arrachés, blancs cassés d'aubes, nonnes lueurs mignonnes que la foi déflore et que le feu effleure.

"Ah les jolies affres, comme elles se délitent, comme elles sortent de leur lit les rivières, comme elles découchent les jolies affres. Les jolies affres et leur rimmel, comme nous avons usé de ce temps, leurs bas filés, leurs extrémités, leurs cinq heures du matin, leur solitude, presque la tienne, ce qu'elles t'ont croisé ces affres rompues, et les fumées, l'irréparable, comme elles se sont mêlées, puis la journée fatigué, peut-être travailler, tout l'inessentiel, comme toutes ces choses t'ont serré, comme tu t'en es bien tiré, comme tu t'en es bien tiré !" - avec une nuance de regret, quelque chose d'à peine.

Nous savions que nous avions usé de ce temps, et tout avides d'autres promesses, d'autres mensonges, nous croisions le fer avec des engins de plaisir, on criaillait, on crissait en se crashant les uns contre les autres, nous le hasard d'autres, les inconvénients inqualifiables, nous lancions des ponts que nous faisions sauter des uns aux autres, on se perdait de l'identité, et juste assez, ce n'était pas s'effacer, ce n'était pas ce qu'on croyait, jamais, plus quelque chose comme prêter l'autre à confusion, amener le malentendu entre d'autres inconnus, plus ça peut-être. Nous croisions le fer sans nous lasser jamais d'être vaincu. C'était au long d'un autre fil du temps qu'une parque avait dépeloté, fil d'eau vibrant comme une corde à vide.

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