Quand même une petite envie de mourir des fois - modeste et pondérée,
bien sûr, c'est le ton, c'est la signature. On ne mord pas, on
grignote et taquine. On derviche à toute périphérie, mais un peu en
secret. On s'ébruite en silence. On se casse, en douce. On s'effrite à
pas cher. Elle s'est fait palper les seins. Il y avait danger,
incertain. Un mot suffirait mais ils n'ont pas l'habitude. Ne lui
adresse jamais la parole, des fois qu'il te la prenne et s'en fasse un
tourniquet de voiles confusionnels en dégueulis colorisé, ce mauvais
derviche, clos à toute heure. N'y va pas droit dans les yeux. Ne dis
pas. Ne dis rien. Souris, passe, sois si crâne de morts superbes qu'il
s'épuise d'aucune. Crève de rêves inopérants. Sonne en dépit. Des fois
qu'il te la prenne. On ne sait pas ce qu'il a, ce qu'il lui a pris. A
peine une petite envie.
Balustrades. Enseignes. Fils métalliques,
oripeaux. La scène qui va suivre... Le mouton qui avait de la
tangente, qui tournoyait désorienté à des vitesses jamais les mêmes,
derviche qui trichait sans rire et trébuchait en s'emmêlant les pattes,
et le vecteur inarticulé qui faisait exprès de ne voir personne.
Fresque. Presque. Presque fresque à l'usage. Mais quand même. Une toute
petite.
Ça vient de la gorge comme un rire, c'est la
menace d'une haleine et le mot c'est fétide. Avoir mauvais goût, c'est
cela. Il faut en convenir à coups de massue. D'où tu es, personne
n'entendra crier, ah ah, fit-il d'une façon - tandis que, serpentant
des fonds marécageux, la petite envie de mourir virait à l'obsession
comme on va chez le coiffeur. "Je vais me refaire une beauté, une dont
on n'entendra jamais parler. Je la mettrai sous blanc bonnet, et je
m'en servirai comme charme délocalisé. Voilà : je vais faire du
ferment, je vais me composter d'ineffable, je serai la lueur non-dite,
le secret bien gardé de tout le monde et personne. Je raclerai les
fonds de rêves et j'en ferai de la dérive collective et du sentiment de
communion. Voilà : de l'hostie pour athées."
Le mouton
derviche et la petite envie. "Je nous ferais bien des paupiettes de
liberté, des paupiettes de vérité, des paupières ouvertes au velouté
d'opportunités" - "Ah, petite envie, le quotidien nous tue, n'est-il
pas ? Nous nous sommes déjà mangés. Facette, va ! Je te cours après et
après, tu me mens déjà." Flûte enchanteresse et démantèlement
moutonnant. Hourras. Vidage de salle. Nettoyage idéal, grand mouvement
collectif de foi et d'espérance en un monde meilleur. Amourettes de
scouts. Castor pugnace et Fanfreluche Idoine ont été vu fricoter
derrière le bénitier athée. Le guitariste, qui faisait office, a bien
tenté de s'en dépêtrer à grand coups d'ostensoir athée, les freluquets
niquaient, rendez-vous compte, dans la Maison d'A-Dieu !
Petites
culottes étendues formant un paysage. "C'est ici mon chef-lieu",
Petite Envie se dit - "C'est mon lieu-dit aussi, Boussolette, et je ne
me suis jamais perdu que pour me perdre ici, nulle part comme en toi, en
mille parodies sincères de choses jamais faites" - "Des petits noms
ridicules... Un grotesque étendoir-horizon de sous-vêtements, et avec
ça, tout et n'importe quoi : c'est donc là ta conception de... Ta
conception de quoi, déjà ?"
L'immaculée athée, l'hostie
m'a tué. Il me fallait la faire, s'il me faudra l'enlever. Voici ma
conception de quoi déjà. La liberté commence, ou la mienne. Je voudrais
reprendre au début. Zéro, donc. Zéro, puis six. Zéro six
soixante-quatorze. Mais je vais dire : soixante-et-douze, personne ne
se sentira visé. Mon travail consiste à ré-oublier un numéro effacé.
Zéro. Sept. Quatre-vingt-douze. Je sais que ce n'est pas ça. Ça peut
être ça. Il est possible qu'il soit là. Qu'un abonné naisse d'un numéro
à l'oubli travaillé. Que tout un répertoire et un réseau s'illumine à
force de numéros décomposés. Je te passe mon zéro-six, tu me donnes du
douze, il grognait des vingt-quatre. J'ai un cinq ! J'achète. Zéro.
Six. Soixante. Et onze. Quatre. Vingt. Trois, en vérité. Assez.
"Petite
envie boussole, nous allons ensemble, veux-tu, nous dénuméroter." -
"D'accord, mais d'abord, ramasser le linge" - "Ah, petite envie, le
quotidien nous tue, n'est-il pas ?" - "Et il t'arrive de te taire ? Tu
te rends compte que tu m'infantilises ? Ce n'est quand même pas pour
entendre de telles falaises qu'on a lutté bon vent à d'autres et des
pastilles comme ça mais tu te rends compte mais tu prends conscience
alors que et puis je m'accélère et nous en sommes là"
Vous
êtes ici, petite envie. Nous vous avons menée à tours de manche à
cette déveine. Mouton derviche vous envoie ses respects désordonnés -
ils se sont, au transport, tout défaits. Je vous présente au grand
jamais. Ne faites pas confiance à la poste. Il y a danger, incertain.
Elle s'est fait palper les seins. Flûte enchanteresse. Questions
d'orientation. Scouts scabreux. Vestiges athées. Mobile anecdote,
Liberté je décompose ton numéro. Au refrain.
"J'ai une
chance d'être là qui ne se dit pas. J'aime jusqu'à l'effacement de mes
traces. J'aime qu'on m'oublie et être dans l'air. J'aime sonner creux
même, noyer les poissons dans l'évitement et les présomptions qu'on
m'ôte, et je commence du début et je vais jusqu'à la fin, grossier
mouton à corne enfonçant des nuées ouvertes et d'aucun bon parti, et
les inadvertances il faut les célébrer, jamais sceller, et c'est de
musique que je suis fait, voilà, c'est moi le grand jamais."
"Eh
bien grand jamais, bélier tourneur à deux sous l'heure, ça me porte
peine de briser là l'élan lyrique, mais sache que je n'aime guère qu'on
me déprécie, de mourir peut-être mais je suis envie tout court, je
n'étends pas mes culottes à tes pertes de vue, je m'oriente si je veux,
je suis une sceptique des points cardinaux, je choisis mon opérateur,
je n'ai pas de bandana jaune, et j'oppose un démenti formel à tout ce
qui vient d'être dit, sans compter ce qui le sera. Je me défragilise de
toi, tout peut-être petit grand jamais que tu sois."
Qu'il
en soit ainsi, rangeant son instrument dans l'étui. Cette phrase
anacoluthe appelle un rebondissement. Le rebondissement vient tout à
l'heure. On le soupçonne d'être affecté. Je crois qu'il tient à nous
faire savoir qu'en tout état de cause, il nous emmerde. Qu'on le
pardonne, c'est sa manière à lui, douteuse et biaisée. Il est du genre
hostile, mais ce n'est contre personne. Revêche et redondant, tel est
Rebondissement. C'est un type louche qui a ses bons côtés quand on ne le
connaît pas. Ne lui adressez pas la parole, si vous voulez mon avis.
Mais il déteste qu'on l'évoque à la troisième personne : il veut être
frontal et direct, paraît-il. Petite volée de points de suspension. Ton
heure est venue, Rebondissement : fais-en bon usage. J'imagine bien
déjà que monsieur va parler d'herbe sous le pied, croche-pattes et tutti
quanti. Ça va : je me tais.