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Juxtaposer des silences pour créer des malentendus. C'est la musique. C'est l'embarras quotidien d'avoir quelque chose à faire, tant qu'à être là. C'est l'écriture.

Je ne dévoile rien, j'enduis de vide. Je fais vibrer l'air. Je ne touche à rien. Je ne déplace pas les meubles. J'attends.

Je mets les choses ensemble et je vois ce qu'il se passe. D'autres viennent, la plupart s'en va, il ne reste qu'un silence exagéré qui est le fruit de tous les silences accumulés.

Ce serait comme lumineux. Je vois le genre. Elles se dandinent au portillon, elles posent précipitées, elles s'arrêtent sur l'image les cheveux dans l'air emprunté. Elles se fixent jamais captives, c'est du flou.

Les images intraduisibles et les couches de silence. Il n'y a rien à dire et c'est déjà fait. On s'écorche là comme à des aspérités, des silences mal emboîtés qui finissent par grincer, chatons malades de silence en pelotes. C'est l'amour.

Je juxtapose les silences pour créer des malentendus. Je joue là, et comme je me trompe je trompe les autres, et je les trompe aussi sur là où je me perdrai, car je ne me trompe jamais que quand je crois savoir où je vais.

Je pars de nulle part pour arriver ailleurs, de nul endroit à aucun ailleurs, et je ne tire de la grâce que par surcroît, dure, pataude, mal lunée, avec des phrases très longues qui se coupent - qui se coupent.

On juxtapose des silences et ils se mettent en guerre, et ils se coupent et s'ébrèchent et se fêlent les uns les autres, et la musique remonte et personne n'entend.

On va vers le sourd, on court après les flous, on tape sur tout ce qui bouge avec des équivoques marteaux. Quitte à se tromper, on joue.

On joue au moins. Zéro plus zéro. C'est toujours pour un temps. C'est ce qu'on dit. Les autres en savent plus. Tu sais déjà tout. On perd ses moyens.

Je travaille à perdre mes moyens et je me rive au temps comme le cavalier maladroit d'une danse à cahots. C'est le temps qui mènerait, pourvu que je sache m'en décrocher. Mais je suis rivé à mon corps qui est rivé au temps. Et nous dansons des maladresses providences, chaque mouvement est une chance, et c'est laid à regarder et cette laideur aveugle.

Nous allons vers le sourd pour des aveugles absents. Et nos sourires silences se gondolent et grincent. Les uns sur les autres, on les a tous mis là, on ne sait plus qu'en faire.

Ça devait arriver, qu'on y tombe dessus - mais ce n'est pas vrai, c'est à peine une erreur enchantée, un pas de coté du corps du cavalier qui nous laisse respirer, c'est à peine ça, se laisser respirer - ce sont des silences qui se laissent embrasser, dans des nuits fabriquées de coups à côté - dans ces hasards justes qui échoient de temps à autre aux maladroits.

Les notes sont fausses, les silences bouchés, la nuit est calme et la dame temps oppressée par son cavalier laisse échapper, relâche d'un instant, soupir, contre-temps, j'ai fait vibrer l'air qui m'a secoué. A force d'à-côtés ça touche, ça ne saurait fonctionner, ça tient juste, je l'avais au bout des lèvres, j'ai failli chuchoter, les silences ont cessé, on se retrouve à parler, quelqu'un demande ce qui se passe ou ce qui s'est passé.

Je n'en n'ai aucune idée.

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