3 - Prologue


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Joséphinouille Tarandox lança un appel public au lynchage de quelqu'un sur Twittâtre ; puis elle mit en branle l'exécution d'une liste de jeux de fichiers à danser ; elle se heurta encore, mais seule, au mur de l'incommunicabilité entre les êtres, ne répondit pas aux soixante-sept brûlantes épistoles qui jonchaient son tut-tut de messagerie - elle avait déjà sur le feu des polémiques planétaires et des bisbilles relationnelles à agiter. Flambeaux, étendards, matraques, d'icône en icône elle s'ensauvageait en trollismes et brassait de la débâcle. Quand elle se sentit plus vide elle se mit à se sentir plus vide, plus moins vide, puis plus vide que tout à l'heure. Alors elle respira un grand coup de vide.

Pierre-Maurice Albert Amphigouris travaillait son style. Voulant n'écrire sur rien, il pensait à rien très fort. Des fragments d'autres riens mastiqués par d'autres lui faisaient épisodiquement vibrer des ressorts sans que ça ne donne jamais vraiment rien. Fervent sceptique, il attendait que ça vienne et pratiquait l'ascèse modérée, le non-je-ne-lâcherai-pas-à-tout-le-monde-la première-connerie-qui-me-vient-en-tête-sous-couvert-d'art-ou-de-socialisation-ou-je-ne-sais-quelle-autre-foutaise, suspendait en permanence son jugement aux patères de sa frustration. Il mangeait des limbes au petit-déjeuner, mais savait que ce truc grand qui n'arrivait pas arriverait au moins à d'autres et dans longtemps, parce qu'il y avait l'éventualité des choses belles qui traînait dans le tas.

Marcelle Bénigna somatisait sa malédiction. Elle s'enclava le bras dans une machine trashouille, se perça un tympan, consulta l'avancement de sa déperdition, fit chauffer une cuillère de mort-aux-rats, se brisa les côtes sur un blockbuster puis revomit son infusion de sang. Quarante araignées surgirent d'un coin obscur du trou noir miniature qu'elle louait pour pas cher et dansèrent la gigue sur son oeil de verre. Un violent rhume perturba ses exercices de scarification. De son membre indemne elle composa un sonnet perturbant. Les malaises de la journée filaient leur long coton noir, et à la dix-neuvième explosion de cerveau elle décida de se fourrer la peau dans un repli de son canapé afin de se casser des bouts de dents sur le polyester délétère ou le skaï nocif.

Jean-Michel Régulon rosissait de bonne pâte. Mâchouillant des brins de guimauve acidulée empâtouillée de caramel mou au bon chocolat tout doux, il vivait de sucraille et d'expédients. A sa porte des huissiers l'enquiquinaient d'affaires socio-culturelles. Il disait toujours, avec un fort accent de la méridionale A7 : "hé, le soleil, c'est pour tout le monde, pardiou de mes consorts ! Va-t'en donc tintinnabuler de la mescaille, malotrouillou !". De fait, le patois de son existence pantelait aux broutilles de l'entendement des autres. Le sucre à cela pourvoyait. Et du sexe de sucre de son propriétaire s'écoulait du sulfureux vide et du sulfureux sucre. Toute sa bonne pâte ne rêvait que de meurtrir des boutons de nénettes. Carambar ! L'ange d'amour en lui mijotait dans un filet de sucre et de bave, tout cela sans perdre de vue que comme Stereolab le dit si bien, avec l'air de nous y toucher au fond de quelque face B, "la sentimentalité est l'édifice de la brutalité".


Alors, ce qu'il se passe dans le bouquin c'est que ces personnages font de la ville avec des carrefours, sur un ton minimal-optimiste avec des douleurs et des re-mieux bon an mal an. De temps en temps je synoptise pour pas me perdre, ou pour bien me perdre de temps en temps je condense. Je n'aime pas les choses forcées d'arriver, je préfère les quand même et les malgré. Parfois on s'abandonne et c'est précieux. C'est tout ce qui devrait se passer, sans être trop d'attentions prévenant. Je parle juste de là-dedans, après je ne sais pas. Il devrait y avoir en fond sonore du fond sonore, et même de l'avant-plan, et des images mais surtout avec des mots. Beaucoup de mots, de manière générale. Plus que là, même.


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