Poème à lunettes,...


ces lunettes me donnent l'air absent que j'ai toujours désiré me donner
je vois enfin littéralement le monde à travers un écran

j'ai finalement pansé mes plaies et suis prêt à nouveau à commettre les mêmes erreurs
j'ai longtemps pensé que mes chansons étaient plus intelligentes que moi c'est vrai
mais elles sont aussi plus méchantes et plus tranchées et plus sensibles et plus douloureuses que je ne le serai
elles sont plus moi-même qu'aucun moi-même
je peux chanter que je t'aimais sans avoir plus aucune idée d'à qui je croyais parler
je peux chanter que je suis mort puis trinquer à ma santé
aussi bien ceux que je chante me chantent et m'inventent symétriquement
dans le monde d'eux je suis ce genre d'anonymes auxquels on pense sans chercher à faire connaissance
à propos desquels on tient plus à formuler notre sentiment
qu'à perdre du temps à lire et confronter
un quidam inspirant à tort ou à raison
un mythe, un mini-mythe improvisé dont on aura que les grands traits
des élégies d'absents dont les destinataires sont d'autres absents
le monde des bonshommes qui chantent le bonhomme qu'ils me croient être
est tout aussi absurde que le nôtre
mais plus joli et ses contours plus nets.

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