Retour sur Broadway - Acte 2, scène 2 : Mourir

Mourir - Où le narrateur assure à mort, et s'en félicite. A juste titre.

première version : https://soundcloud.com/witold-bolik/asphalte-comment-jai-conquis?in=witold-bolik/sets/comment-jai-conquis-broadway

Il y a des phrases qui passent inaperçues dans les chansons de variétés et qui m'ont toujours fait sourire. Il y a "Tu ne seras jamais plus belle/que cette chanson qui t'appelle", saillie cinglante du créateur à toutes ses égéries, phrase délicieusement cynique et dandy, qui chantée par Gilbert Montagné dans "Sous les sunlights de tropiques" ne révèle pas à la première écoute toute son agressivité ; et il y a, dans "Le monde est stone", celle-ci : "je voudrais seulement m'étendre sur l'asphalte et me laisser mourir". J'avais envie de pousser le contraste entre cette formulation très neutre et le plus que penchant suicidaire, en présentant le fait de s'étendre sur l'asphalte et se laisser mourir comme une option parmi tant d'autres. Et puis faire toucher le fond aux deux personnages, puisqu'on était en plein milieu d'une comédie qui allait forcément bien se finir, et que sans drame, pas de rebondissement. A déplorait la solitude et l'ennui ; B a juste envie de mourir. 

C'est tellement simple, direct et sans appel que ça ne remplit même pas une minute. D'où l'intervention du Chœur antique, qui vient dire à A et B de laisser de côté Starmania et de se recentrer sur leur objectif, Broadway, dont ils semblent avoir tout oublié. Les deux vont bien se mobiliser, mais pas dans le sens espéré par Chœur Antique (qui, on le verra plus tard, ne se remettra pas de cet échec) et jouer pour la première fois ensemble, guitare et métallophone, A dépressif et B suicidaire, en reprenant le refrain mortifère : "c'est le deuxième acte, tout ne peut que mal se passer, tout ne peut qu'empirer". 

Les grosses différences entre la toute première version sont des changements d'octave : B au fond du trou une octave au-dessous, Chœur Antique beaucoup plus dynamique et une octave au-dessus. Le point commun : la guitare est à peu près sur les temps, comme un glas tributaire de la poigne du sonneur. (Bon oké, c'est juste que je me suis un peu loupé mais je déteste pas l'effet).

"Mourir" est un des morceaux les plus complexes et les plus structurés de l'opéra. En moins d'une minute on a trois moments distincts qui se succèdent, soulignés par trois "orchestrations" différentes. L'intervention du Choeur Antique se fait elle-même en deux temps, l'apostrophe puis l'injonction. La guitare reste sur son support et l'interprète vient pincer les cordes de mi et de ré puis de ré et de mi. La fin abrupte sur le mot "empirer" parlé/chanté de la voix la plus basse possible, doit être l'unique moment proprement théâtral de l'ensemble.

Bref. Quitte à ruiner ma réputation de modestie et de discrétion, mais pas celle d'amateur de jeux de mots pourraves, je le dis : Mourir, ça tue. 

version 2015 : https://witoldbolik.bandcamp.com/track/acte-2-starmanie-d-pressive-sc-ne-2-mourir

Livret :

2 - "Mourir"

Bon, rien ne s'arrange. B est complètement stone et désire embrasser le bitume. Le chœur antique opte pour une intervention musclée, qui n'a pour résultat que de renforcer la pessimiste cohésion des deux protagonistes. Ils entonnent leur premier duo.

B - Quant à moi
"M'étendre sur l'asphalte et me laisser mourir"
Ne me semble pas
une mauvaise idée.

Chœur antique  - Hé, s'il vous plaît, sans vous offenser
si l'on pouvait arrêter les références à Starmania ça m'arrangerait
vous ne me semblez décidément pas très motivés
pour la conquête de Broadway !

A et B  - Oui mais c'est le deuxième acte : tout ne peut que mal se passer,
tout ne peut
qu'empirer.

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