Back to no roots

J'ai perdu des cartes postales. Ce n'est pas que j'y tenais absolument.

Le voisin du dessous de l'appartement où j'ai vécu une partie de mon enfance m'a conditionné à me méfier des cartes postales, ainsi que des puzzles de clichés paradisiaques, recomposés puis collés sur une plaque de contreplaqué afin de décorer les appartements de gens tristes. Et des calendriers de routiers, et d'accréditations empruntées.

Je sais qu'elles jaunissent vite et qu'elles donnent des coups de vieux.

Je les préfère dans un placard, et y penser sans les voir, je suis un peu de Londres, Tombouctou, n'importe quel coin sous le soleil ou étape touristique à ne pas manquer. Dans ma tête, pas sur mes murs. Pas envie de rêver tous les jours, parfois envie de vivre encore un peu.

J'ai rouvert mon placard et elles n'y étaient pas. Je ne suis plus un bout de Londres, exit Tombouctou, Portugal, Brésil et Canada. Le puzzle reste dans sa boîte, et je ne rêve plus sans vivre beaucoup.

Nous assistons à une sorte de performance rock en extérieur dont la mise en scène est effrayante : un chien mort aux entrailles encagées à la manière d'une ruche, tourne le long d'une broche tandis que des abeilles bourdonnantes volettent autour. Certaines abeilles, de plus en plus, viennent parmi le public. L'une d'entre elles me parle à l'oreille d'un ton narquois, m'empêchant de me concentrer sur le concert proprement dit. J'essaie de rester immobile pour ne pas me faire piquer, mais je ne tiens pas en place tant l'ambiance est oppressante. J'ai oublié ce que me dit l'abeille rieuse.

Ce sont mes murs et mes yeux qui se sont mis à jaunir. Ça n'a pas l'air drôle, dit comme ça, mais pourtant.

C'est pourtant fou qu'une carte postale se perde toute seule comme ça. Je me demande de quel côté elle a commencé à disparaître. Étaient-ce les bons baisers congrus du verso. Étaient-ce le coucher de soleil 711 du recto. Quelle destination inaccessible a disparu de ma carte mentale. Comment mon monde s'est-il réduit dans un placard, à, quoi, une boîte de CD vide, j'étais pourtant certain qu'il y avait quelque chose, là, la musique d'Un Tel, je ne me rappelle pas, je ne l'ai pas tant écouté, pas tant écouté que lorsque je rêvais.

*** et *** dans un bar où règne une belle ambiance de fête. Je ne les ai jamais vus aussi souriants et heureux. Ils m'invitent à partager un verre avec eux. Je leur explique que j'ai une course à faire, mais que je passerai dans le bar au moment de redescendre. A cet instant, un vieil homme assez imposant me prend à parti et m'ordonne de le suivre un peu à l'écart du groupe. Il s'avère que c'est le patron du lieu. Il me dit que j'ai parlé trop fort et qu'il ne veut plus me voir ici. Autour de nous, des gens essaient de lui expliquer que je n'ai pas parlé si fort que ça et que je parlais simplement avec des amis, comme le fait tout le monde ici. Je me retourne pour chercher à revoir *** et ***, que je n'arrive plus à discerner parmi la foule. Ne désirant pas créer de problèmes, je pars en gardant en tête l'idée de les appeler plus tard.

Ce disque n'y est plus non plus, ce n'était donc peut-être pas ce placard. Il s'agissait d'ailleurs peut-être aussi bien d'un tiroir. Où sont donc ce tiroir, ces cartes postales, ces destinations, ces rêves, cette musique. Ce n'est pas que j'y tenais absolument. Mais je ne tenais à rien d'autre en particulier.

Je perds mes objets, ma culture, mes souvenirs, mes rêves et mon envie d'avoir un peu de tout ça. Ça n'a pas l'air drôle, dit comme ça. Mais ça pourrait être un bon point de départ pour... On ne sait quoi. Quelque chose qui ne me concernerait absolument pas.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire