Acte 1
C'est un truc de niche
La dernière fois que j'ai entendu ça j'ai fait
bah
et je suis resté coi
c'était il y a combien de mois déjà
ce matin - l'esprit d'un escalier qu'il aurait fallu combien de mois déjà pour descendre
je me dis que j'aurais dû répondre que je viens de l'underground
je viens littéralement d'un souterrain où quand moi ou quelqu'un d'autre disait une connerie
ou déployait une représentation du monde erronée fallacieuse trompeuse illusoire
on pouvait en causer
ce n'était pas le schéma d'hollywood c'était le voisin d'en face qui parlait oiu chantait sur ses peines de cœur
et que le spectateur son voisin symétrique venait voir en disant tu charries
en l'écrivant je me rends compte que c'est plutôt une constante chez moi
ce sentiment d'être dans l'erreur
(quand je ne fais qu'y penser ou le ruminer sans l'écrire, j'ai toujours la sensation que c'est provisoire, que c'est un état d'âme parmi d'autres
mais en l'écrivant l'idée me vient que c'est tout simplement l'état, l'unique l'état solide de ce qu'il me convient d'appeler mon âme)
Je pensais à Phèdre l'autre fois avant de le lire
Je pensais que Phèdre représentait le désir féminin dans ce qu'il a de dévorant et d'embarrassant
et de tout puissant
et puis je me suis douché par la pensée (j'étais en vélo, seules méditations de jeune parent possibles)
je me suis douché comme on le fait dans mon pays merveilleux de l'underground tel que je le rêve
pourquoi pas le désir humain
pourquoi refiler le bébé de l'embarras de la dévoration et de la toute puissance tragiquement impuissante
aux seules gonzesses
d'où le sentiment d'être dans l'erreur
et le sentiment que c'est bon de le savoir
que c'est bon d'en parler
ne fût-ce qu'avec soi
la préface du folio d'ailleurs corrobore
(comme j'aime cette phrase telle quelle telle qu'elle sonne je la laisse sans développer
parce que si on se met à développer des préfaces aux préfaces de folio merci hein)
fin de l'acte 1
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Souffler le chaud et le froid
c'est ce que fait Phèdre
C'est ce que fait Hippolyte aussi d'ailleurs
de la manière splendide des indifférents
Hein ? Quoi ? Bon je vais faire comme si j'avais pas compris... Ah zut là ça marche plus, bon, j'ai compris... Ah merde... Déso...
Et c'est ce qu'on m'a reproché en mil neuf cent quatre vingt dix huit
non je déconne
enfin sur la date du moins
s'en foutre et être passionné aboutit au même comportement
j'étais tellement dingue d'elle que je m'en foutais de tout
tellement raide Phèdre d'elle que je m'en battais l'Hippolyte
mais d'un autre côté
je m'en foutais tellement de tout que j'ai jeté mon dévolu
comme on jette une couverture imbibée d'essence sur une flamme
pour éteindre l'idée d'extinction
Finalement tout déconne à point quand tous se foutent de tout
et qu'on est dans le tous
bien qu'on y renâcle
J'ai loupé The Wedding Present
J'ai loupé Lynch
on m'appelle The Wedding Absent
et j'ai loupé Lynch
au cas où il faille maintenir la symétrie classique
J'ai loupé Varda
mais c'est que ça devait être un matin et que je n'avais pas encore compris la beauté et la musicalité de son cinéma
Je n'étais pas encore abonné à Mubi je crois et
accessoirement
je me foutais de tout
puis elle déguerpit avant de m'entendre dire merci
les gens font ça les cons
à souffler le chaud et le froid et un coup je suis là un coup je suis mort
Moi régner ! Moi ranger un Etat sous ma loi quand ma faible raison
ne règne
plus
sur moi
Où voulais-je en venir
Souffleur !
Souffleur
souffle-moi
fin de l'acte trois
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(ou des étoiles si vous préférez)
***
Je laisse tomber les actes c'est arf c'est trop scolaire ça va
Le truc le plus fou qui puisse arriver c'est l'acte deux après le trois et là c'est wouhouh littérature contemporaine où nous mèneras-tu
ça va quoi
J'ai eu un débat sur la relecture avec un ami
lui n'a pas changé d'avis mais moi si
plus exactement je m'en suis fait pousser un
être payé pour remettre en cause un univers ne me cause pas problème si tu te remets toi-même en cause
à l'extrême ça donnerait un prof qui démissionne chaque jour pour une bonne raison
à chaque jour chaque élève sa bonne raison de démissionner
je ne m'accorde pas de crédit tant que je sais douter de ce que je dis
et je ne m'accorde aucun crédit si je ne doute pas de tout ce que je dis
on comprend que je n'aie jamais fait carrière dans l'enseignement
on comprend que je vois d'un oeil pas sûr le Phèdre ! de François Grimaud
je n'ai que de la sympathie pour Gombrowicz réécrivant sa version personnelle de L'Enfer de Dante
relire et réécrire et passionnant mais enseigner est vertigineusement malaisant
j'ai lu et aimé Phèdre, et je sens que le Grimaud tout pépère et sympa et souriant qu'il soit
me prendra bien plus de temps
on aime voir le prof tout nu
on aime entendre parler de lui le conférencier de Tchekhov sur les méfaits du tabac
ou le contrebassiste de Süskind
mais qu'est-ce qui peut se passer dans un bouquin tout dédié à t'expliquer un autre
le mec va-t-il péter un câble
ça m'a l'air tellement sûr que non
mais bon
je ne sais pas en fait
si ça se trouve la prochaine fois je reviendrai en disant ah non je suis con c'est pas du tout ça
si vous saviez les gars
on parle pas de Phèdre là
mais bon
Je voulais parler d'Oenone de toute façon
son aide complaisante qui se noie dans le mépris unanime
pour avoir aidé sa patronne sans la juger et tenu son petit raisonnement
certes assez médiocre et terre-à-terre, populo,
sensible, amical, vivant
j'aimerais que ce soit elle qui nous raconte Phèdre
ça se terminerait par Argh au milieu mais quand elle meurt tout est bouclé de toutes façons
tout est bouclé dès le départ dans Phèdre
quand Hypolyte dit qu'il se casse il nous dit qu'il va crever sur place
allez ciao (manière de dire bonjour aussi)