vembre - mouvement

 La même indifférence qu'il y a dix ou vingt ans
ne provoque plus pour moi les mêmes sentiments

c'est-à-dire que je me sens non plus ciblé par l'indifférence
mais inclus dedans

comme faisant partie d'un vaste mouvement
où pour une raison ou une autre
plus personne ne s'intéresse à l'autre
à ce qui l'anime le rend humain

un vaste mouvement d'indifférence non seulement généralisée
mais même fédératrice
le dernier mouvement collectif

peut-être est-ce qu'il faut ce terreau pour que les méchants puissent paisiblement pour ainsi dire
mener leurs guerres
pour qu'il n'y ait plus vraiment de méchants puisque le peuple
fait la ronde immobile autour de rien
fait son vaste mouvement de ne rien penser de rien

notes pour quand je serai dictateur comme tout le monde
gouverner par la peur et fermer les portes
s'incarner en père protecteur et semer la haine
c'est si facile au fond
c'est au fond de tous les gens et de toi aussi
l'inquiétude qui ne demande qui ne commande
qu'à se recroqueviller chez soi
tellement plus facile que d'écouter

un morceau à la con
mais passons

j'ai écrit un poème ce matin
je me le fais lire tiens :


Je suis peut-être fini pour la musique mais j'ai envie de m'amuser

mon cœur crevé d'être crevé

si bien pansé comme circonspect

mon cœur regarde avant de traverser

j'ai peut-être fini toute la musique

mais j'ai envie de dansoter

les foules m'ont désacclamé

le capital m'a débranché

j'ai la vaisselle à faire

et le ciel à creuser

(comme diraient Baudelaire et mon copain Xavier)

 

(Après

bon

je serais bien tenté de foutre ça aux orties

écrire très tôt, très bien, mais pourquoi publier à 8 heures ?

et quand ça chouine de personne m'écoute et que ça ne fait que ça c'est jamais très bon

d'un autre côté

faut le prendre comme ce que c'est

un moteur de quelque chose

une cause de sentiments, un début d'idée


on verra.)

 

(Je serais bien tenté de foutre ça aux orties

mais j'ai écrit ça si souvent

les ratures impressionnantes bien visibles bien rouge et tout le long de la page

mais qui en vérité ne font aucun obstacle à la lecture de ce qu'elles sont censées oblitérer

[un caviardage aux œufs de lompes]

Les ratures et les repentirs qui ne sont jamais au final

que des enjolivements 

ça se dit ça

enjolivements

je le retape des fois que le correcteur automatique se réveille

"hein, quoi ? ah non tu peux pas dire ça !"

Bon ben si

je peux dire enjolivements

ça me fait irrémédiablement penser au tuning

au tuning de voitures

plus précisément aux jantes enjolivées

enjolivées de belles ratures un peu maniérées

censées marquer qu'elles sont "presque" censurées

jantes explicites comme il en est des lyrics

ça me fait une belle jante ces manières

de mettre en scène l'oblitération fictive de soi-même

tiens

c'est peut-être de ça que parle ce poème

 

il est bon d'en avoir vent quand on en est l'auteur après tout) 


(Je serais bien tenté de foutre ça aux orties

mais je n'en pense pas un mot

et je n'en ai pas tant que ça du texte que je puisse en jeter)


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