La même indifférence qu'il y a dix ou vingt ans
ne provoque plus pour moi les mêmes sentiments
c'est-à-dire que je me sens non plus ciblé par l'indifférence
mais inclus dedans
comme faisant partie d'un vaste mouvement
où pour une raison ou une autre
plus personne ne s'intéresse à l'autre
à ce qui l'anime le rend humain
un vaste mouvement d'indifférence non seulement généralisée
mais même fédératrice
le dernier mouvement collectif
peut-être est-ce qu'il faut ce terreau pour que les méchants puissent paisiblement pour ainsi dire
mener leurs guerres
pour qu'il n'y ait plus vraiment de méchants puisque le peuple
fait la ronde immobile autour de rien
fait son vaste mouvement de ne rien penser de rien
notes pour quand je serai dictateur comme tout le monde
gouverner par la peur et fermer les portes
s'incarner en père protecteur et semer la haine
c'est si facile au fond
c'est au fond de tous les gens et de toi aussi
l'inquiétude qui ne demande qui ne commande
qu'à se recroqueviller chez soi
tellement plus facile que d'écouter
un morceau à la con
mais passons
j'ai écrit un poème ce matin
je me le fais lire tiens :
Je suis peut-être fini pour la musique mais j'ai envie de m'amuser
mon cœur crevé d'être crevé
si bien pansé comme circonspect
mon cœur regarde avant de traverser
j'ai peut-être fini toute la musique
mais j'ai envie de dansoter
les foules m'ont désacclamé
le capital m'a débranché
j'ai la vaisselle à faire
et le ciel à creuser
(comme diraient Baudelaire et mon copain Xavier)
(Après
bon
je serais bien tenté de foutre ça aux orties
écrire très tôt, très bien, mais pourquoi publier à 8 heures ?
et quand ça chouine de personne m'écoute et que ça ne fait que ça c'est jamais très bon
d'un autre côté
faut le prendre comme ce que c'est
un moteur de quelque chose
une cause de sentiments, un début d'idée
on verra.)
(Je serais bien tenté de foutre ça aux orties
mais j'ai écrit ça si souvent
les ratures impressionnantes bien visibles bien rouge et tout le long de la page
mais qui en vérité ne font aucun obstacle à la lecture de ce qu'elles sont censées oblitérer
[un caviardage aux œufs de lompes]
Les ratures et les repentirs qui ne sont jamais au final
que des enjolivements
ça se dit ça
enjolivements
je le retape des fois que le correcteur automatique se réveille
"hein, quoi ? ah non tu peux pas dire ça !"
Bon ben si
je peux dire enjolivements
ça me fait irrémédiablement penser au tuning
au tuning de voitures
plus précisément aux jantes enjolivées
enjolivées de belles ratures un peu maniérées
censées marquer qu'elles sont "presque" censurées
jantes explicites comme il en est des lyrics
ça me fait une belle jante ces manières
de mettre en scène l'oblitération fictive de soi-même
tiens
c'est peut-être de ça que parle ce poème
il est bon d'en avoir vent quand on en est l'auteur après tout)
(Je serais bien tenté de foutre ça aux orties
mais je n'en pense pas un mot
et je n'en ai pas tant que ça du texte que je puisse en jeter)
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