Confession

Oké ça ne va pas être facile à raconter
que les gens qui m'aiment ne soient pas
plus déçus que d'habitude avec moi
que ceux qui ne m'aiment pas
continuent
enfin voilà

je
ne suis pas à l'aise sur facebook, on le sait
il y a beaucoup de choses que je déteste là-dessus
mais les requêtes impersonnelles aux jeux ça je déteste particulièrement
et voilà depuis quelques jours

le week-end dernier je crois
- j'ai quarante ans, j'ai cessé de me défendre lorsqu'on me dit
aigri et je me sens perpétuellement insatisfait
les mois fastes je suis fauché à partir du 20
au-delà de ça je ne ressens plus autant le besoin
de sortir et de faire le malin dehors
le monde était peut-être une scène il y a dix ans, c'est aujourd'hui une fosse pour moi
au pire une fosse septique, au mieux une fosse d'orchestre, les deux peut-être - bon
je me voulais poète, "romantique" dans le sens le plus nunuche du terme
"romantique" selon Catherine Lara et Richard Clayderman
"gothique" selon Mylène Farmer et les autres nigauds du groupe cold que je n'aime pas
je ne chercherai pas le nom parce que bon
j'ai déjà suffisamment à blesser avec ma confession je ne voudrais pas en rajouter
puis je vais passer vite, je me voulais révolutionnaire anarco-punk post-surréaliste et post-tout
je me voulais intellectuel autodidacte et rock star à l'ancienne, alcoolique et drogué
intimidant les jeunots au comptoir et s'enivrant à leurs frais
finalement je n'ai pas su m'y prendre ça s'est révélé cher et mauvais pour la santé
ex-gloire locale, pas si mal après toute une vie passée à s'appliquer à ne rien faire - mais j'ai laissé tomber :
les jeunots se révélaient aussi fauchés et la carrière bouchée par les aînés bien accrochés, oyé -
puis jardinier, restaurateur, prothésiste dentaire, avocat banquier rippeur rapeur n'importe quoi qui paie
écrivain ! écrivain ! j'ai oublié écrivain c'est tout dire
et je n'ai à ce jour cessé de me détromper sur tout ce que je rêvais d'être
puis tout ce que je voulais bien être
puis tout ce qu'il me restait à être étant admis que je demeurais en vie
me détromper c'est presque une ligne de conduite
mon genre de maïeutique inversée ou ce qu'on voudra
me détromper sans toutefois jamais trouver le courage de délaisser l'ultime illusion
celle que changer d'illusion finira mieux que la dernière fois tsé tu vois quoi
réfléchis à ça tsé non va
n'y réfléchis pas
le week-end dernier j'ai
passé le pas - le week end dernier je crois -

j'avais recours à l'espérance comme à un médicament
ne traitant que des symptômes et créant l'addiction
et son cycle éternel de report de déceptions

je pensais que ça me soulagerait de la déprime des statistiques
en ce qui me concerne, les réseaux sociaux ne m'ont jamais aidé qu'à
numériser ma solitude et ramer comme dans la vie mais en GIF animé
ridicule
ici comme ailleurs c'est trop peu c'est trop lent à mon goût, comme tout
et c'est surtout trop tard je crois - bon, on s'en fout
j'ai du vrai boulot à faire hein
mais bon

j'y trouve pourtant du plaisir et de la joie
c'est bien ce qui rend si lourd à dire tout ça
dois-je le répéter

j'ai quarante ans je suis fauché pour résumer
loin de moi l'idée de râler mais
je n'ai plus de papier toilette et n'aime pas trop l'humanité

et maintenant

il y a eu comme un reclic
le bruit d'un loquet sur soi refermé
sans la tristesse et sans la joie
un abandon sans cri ni larmes
une anesthésie que je n'ai pas sentie
ni venir ni triompher parce que j'étais déjà anesthésié

j'avais recours à l'espérance comme à un médicament
ne traitant que des symptômes et créant l'addiction
et son cycle indéfini dans la répétition de déceptions reportées

puis l'espérance qui n'avait pas d'âme a perdu son nom

tout est fini

aujourd'hui
un dimanche
au lieu d'écrire des poèmes


JE JOUE AU SCRABBLE EN LIGNE.

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